"Des problèmes de marché structurels nous amènent à prendre des mesures structurelles pour préserver la viabilité des opérations de l'entreprise", a déclaré à l'AFP Laurent Dartoux, président et directeur général de Bridgestone Europe Afrique et Moyen-Orient.

Invoquant une surcapacité de production en Europe et la concurrence des marques asiatiques à bas coûts, le groupe assure vouloir limiter au maximum le nombre de licenciements grâce à des mesures de préretraite, de reclassement interne ou externe des salariés et la recherche d'un repreneur pour le site.

Bridgestone a informé les salariés qu'il envisageait "la cessation totale et définitive de l'activité de l'usine" lors d'une réunion extraordinaire du comité social et économique dans la matinée de mercredi. La fermeture pourrait intervenir à partir du "deuxième trimestre 2021".

Le gouvernement et  Xavier Bertrand ont dénoncé de concert "la brutalité" de l'annonce. Dans un communiqué commun, fait rare, "ils en contestent" aussi "la pertinence et les fondements" et "demandent à l'entreprise que soient ouverts et analysés en détail l'ensemble des scénarios alternatifs" à cette fermeture.

A l'issue du Conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a dénoncé "une trahison de la confiance" placée dans Bridgestone, qui doit "assumer ses responsabilités plutôt que de chercher des prétextes".

Arrivé sur place à la mi-journée, Xavier Bertrand a laissé éclater sa colère: "on a affaire à des menteurs, des cyniques. Ce plan est inacceptable".

Bridgestone a "dit non à toutes les propositions qu'on lui a faites, c'est quelque chose qu'ils avaient en tête depuis longtemps", a-t-il accusé avant d'ajouter: "notre rôle n'est pas seulement d'être en colère" mais "de trouver des solutions".

Devant l'usine située dans la vaste zone industrielle en périphérie de cette ville du Bassin minier, c'est la douche froide.

"On pensait à une réorganisation mais pas à une fermeture", a lâché Christophe Bouttmy, délégué syndical Sud, après la tenue du  CSE.

Pour l'un de ses collègues qui arbore un polo rouge siglé Bridgestone, "ça faisait des années qu'on le pressentait mais, quand on demandait si quelque chose se préparait, ils disaient non...". "Ca fait 5.000 familles qui vont être impactées" avec les sous-traitants, s'alarme Jean-Luc Ruckebush (CGT).

- "L'effet d'une bombe" -

Stéphane Rumeau (FO) en a la chair de poule. "J'ai passé 27 ans ici, je suis entré comme intérimaire (...) Ca fait l'effet d'une bombe (...) Ils ont fait venir tout le monde à la cantine pour l'annoncer avec une vidéo. Et il faut retourner travailler après ça!" Un assembleur, salarié depuis 13 ans, soupire derrière son masque: "dans la région, le travail ne court pas les rues..."

Bridgestone se dit "pleinement conscient des conséquences sociales d'un tel projet et s'engage à mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires pour définir un plan d'accompagnement adapté à chaque employé".

"Chaque jour, des annonces sociales terribles, dans une quasi-indifférence. Le Covid-19 ne doit être ni un paravent, ni un prétexte à la crise économique", a dénoncé la présidente du RN, Marine Le Pen, députée du Pas-de-Calais.

"L'Etat doit prendre la main et entrer au capital", a réclamé le numéro un du PCF Fabien Roussel, natif de Béthune, qui ira sur place jeudi.

Cette annonce intervient un an après la décision du concurrent français Michelin de fermer son usine de La Roche-sur-Yon (619 emplois).

C'est aussi un nouveau gros coup dur pour les Hauts-de-France, déjà fortement éprouvés par la fermeture de deux importants sites de fabrication de pneus: Continental dans l'Oise (683 salariés en 2010) et Goodyear à Amiens-Nord (1.143 salariés en 2014).

Bridgestone revendique le premier rang mondial sur le marché du pneumatique. L'usine de Béthune, qui produit des pneus pour l'automobile sous les marques Bridgestone et Firestone, connaît des difficultés de longue date. Elle est "la moins performante" parmi la dizaine d'usines du groupe en Europe, affirme la direction.

Comme Michelin, Bridgestone invoque la concurrence croissante des marques asiatiques à bas coûts, notamment chinoises. Il estime que leur part de marché est passée de 6% à 25% depuis 2000.

Le marché automobile européen a chuté de près de 40% au premier semestre et devrait rester en baisse de 25% sur 2020, frappé par les conséquences de la pandémie de Covid-19.