Sous une chaleur assommante devant la basilique Notre-Dame-du-Rosaire, la plupart écarquillent les yeux.

"Je ne savais pas", "je n'étais pas au courant", disent ces catholiques pratiquants, qui ont "déconnecté" le temps de leur pèlerinage pour se concentrer sur leur démarche spirituelle.

D'autres ont eu vent des accusations, comme Danielle, une retraitée qui rend régulièrement visite au sanctuaire et ne croit pas "une seule seconde que ce soit vrai".

"Un saint homme" 

Chapeau sur la tête, boucles d'oreilles fuchsia, cette donatrice régulière à la Fondation Abbé Pierre gravit les marches de la basilique de Lourdes et ne cache pas sa colère: "Je n'y crois pas du tout!", lâche-t-elle.

"Pourquoi attendre tout ce temps pour faire ces révélations? (...) Je me demande si ce n'est pas une manière de s'en prendre à l'Eglise", estime la sexagénaire, qui émet par ailleurs l'hypothèse que des gestes affectueux aient "pu être mal interprétés".

Figure emblématique en France, défenseur inlassable des sans-abri et des mal-logés, l'Abbé Pierre est accusé par plusieurs femmes d'agressions sexuelles commises entre la fin des années 1970 et 2005, selon un rapport indépendant publié mercredi.

"L'abbé Pierre était tellement bien, il a aidé les miséreux toute sa vie", martèle Danielle.

"Qu'on le laisse reposer en paix", lâche Ginette Guillon. Cette habitante de Bastia en pèlerinage à Lourdes secoue la tête, le visage fermé, et fustige "des dénonciations calomnieuses".

Emmaüs International, Emmaüs France et la Fondation Abbé Pierre, commanditaires du rapport qui reprend les accusations contre l'ecclésiastique, "n'auraient pas dû le publier", selon elle, mais plutôt "le garder pour eux" afin de ne pas entacher la mémoire de cette "sainte personne" qu'elle "admire" et "qui n'a fait que du bien".

Ginette aussi donne régulièrement à la Fondation Abbé Pierre et ne compte "en aucun cas arrêter".

"Séparer l'homme de la foi" 

En tenue de pèlerine, jupe, t-shirt et chapeau blancs ainsi qu'un foulard rouge autour du cou, Claire, étudiante de 18 ans, se dirige vers les robinets d'où jaillit l'eau bénite.

Elle ne remet "absolument pas en cause la parole de victimes", tout en jugeant que les accusations, si elles s'avèrent être "véridiques", ne seraient "pas étonnantes" au vu du nombre de membres du clergé accusés d'agressions sexuelles.

Pour la jeune femme, "il faut séparer l'homme de la foi" et ne pas associer la religion aux actes dont l'Abbé Pierre est accusé. "Tous les chrétiens ne sont pas accusés de viol", souligne la jeune fille.

"Je ne sais pas, personnellement, s'il l'a fait, mais il y en a plein qui le font", regrette Brigitte Guillaume, touriste française installée aux Etats-Unis et venue visiter Lourdes.

"Ce ne sera pas le premier ni le dernier", soupire-t-elle.