Durant l'Euro de football, qui commence ce vendredi, et les Jeux olympiques (26 juillet-11 août), l'Autorité nationale des jeux (ANJ) s'attend à plus d'un milliard d'euros de mises en France, un chiffre colossal.
Environ 30% des parieurs sportifs - très majoritairement masculins - ont entre 18 et 24 ans et 34% entre 25 et 34, selon des chiffres 2023 de l'ANJ. La mise annuelle moyenne est de 1.982 euros par compte tout âge confondu.
Bien que les mineurs soient interdits de jeu, un sur dix avait fait en 2021 des paris sportifs, d'après une étude menée par la Sedap, association spécialisée dans l'addiction.
Le premier pari sportif a lieu autour de 14 ans, souvent de manière légère avec un parent, puis avec des amis.
Deux étudiants interrogés par l'AFP, Robin et Andrëa, l'un habitant à Paris, l'autre à Metz, expliquent ainsi avoir commencé à jouer régulièrement au lycée, dans un bar ou des bureaux de presse, où leur carte d'identité n'était pas contrôlée.
"Piment"
Maxime avait, lui, 17 ans. "Je jouais parce que mes potes le faisaient, c'était pour s'amuser, ajouter un peu de piment au match", raconte ce directeur artistique d'une maison de disques, qui préfère ne pas donner son patronyme. "C'était 2 euros, 5, parfois 10".
Il commence ensuite à miser plus et l'engrenage se met vraiment en place quand il passe aux paris en ligne: "Dans un bar-tabac, ce que tu mises, tu l'as dans les mains, tu sais que tu mets 50 euros. En ligne, tu as moins cette conscience de l'argent (...) Parfois, c'est monté à 400, 500, 1.000 euros".
Il a alors 22-23 ans et se rend compte, grâce à sa copine, qu'il est "un peu accro": il est souvent sur son téléphone, y compris à la plage, souvent "énervé", car "quand tu perds ça atteint ton humeur". Il décide alors de désinstaller l'application, profitant d'une trêve sportive pour se sevrer.
"Alors que l'addiction aux jeux d'argent et de hasard est estimée à 1% de la population adulte, ce chiffre peut monter jusqu'à 7% pour les moins de 25 ans", explique à l'AFP Morgane Merat, référente sur la question des paris sportifs à l'association Addictions France.
Une vulnérabilité qui s'explique par divers facteurs: "Le cerveau n'est pas complètement formé avant 25 ans. La crise du Covid a eu aussi un impact particulièrement important sur cette tranche d'âge en matière de santé mentale. Or, santé mentale et addiction sont intrinsèquement liées. Et alors que les 18-24 ans sont un public assez précaire de manière générale, les paris peuvent être perçus comme un moyen de gagner de l'argent facilement par certains", note Morgane Austruy, directrice de la prévention du jeu excessif à l'ANJ.
"Illusion de contrôle"
A cela s'ajoutent, détaille Mme Merat, le rôle du "lien social", car le jeu se pratique souvent avec des amis, et une "distorsion cognitive" qui donne une "illusion de contrôle", le sentiment que "leurs connaissances en matière sportive vont leur permettre de gagner" ou de "se refaire".
Sans oublier le marketing des opérateurs, avec des campagnes visuelles fortes, des partenariats avec des influenceurs ou les bonus importants offerts (100 euros ou plus), qui permettent de jouer gratuitement et incitent à commencer à parier ou à rejouer, note-t-elle.
Alors qu'en 2021, l'Euro avait donné lieu à un "matraquage publicitaire", visant particulièrement les jeunes, l'ANJ avait exigé début 2022 le retrait de la campagne de Winamax "Tout pour la Daronne", et accentué la pression sur les opérateurs concernant les mineurs et les joueurs excessifs.
L'ANJ a depuis constaté un changement dans "le ton" des publicités, mais reste "vigilante" et vient de lancer une campagne de prévention sur les risques d'addiction.
Alors que les jeunes des quartiers populaires sont considérés comme une cible des opérateurs, le département de la Seine-Saint-Denis va lui aussi lancer, comme lors du Mondial 2022, une campagne, en s'associant avec le club du Red Star, explique son président (PS) Stéphane Troussel, qui rappelle les "conséquences financières, sociales et psychologiques" désastreuses de l'addiction.