Contre le "châtiment" requis, la défense d'Abdelkader Merah en a appelé mercredi "aux règles du droit" et au "courage des juges", mis au défi de trouver la "moindre preuve" de complicité des sept assassinats commis pas son frère Mohamed en mars 2012.

Contre l'accusé décrit comme le "mentor" qui a armé le bras du tueur, l'accusation a requis mardi en appel la réclusion criminelle à perpétuité, balayant les doutes de la première cour d'assises qui avait en 2017 condamné Abdelkader Merah à 20 ans de prison pour association de malfaiteurs terroriste mais l'avait acquitté du chef de complicité des crimes de son frère.

La défense a été révoltée par les propos de l'avocat général Frédéric Bernardo appelant à associer le nom de Merah à une sanction lourde "car ce nom est brandi encore aujourd'hui comme une fierté par des candidats au jihad".

"Ce n'est pas une maladresse, c'est une volonté délibérée de rendre la justice au pied du mur de l'exemple", commente Eric Dupond-Moretti.

"Parfois dans les affaires exceptionnelles, le poison s'invite dans le débat judiciaire: il s'appelle l'opinion publique, la dictature de l'émotion et la France qui vous regarde", gronde-t-il.

"Mais quelle France? Celle des Lumières, celle qui veut rétablir la peine de mort? Le seul antidote à ce venin, c'est le courage des juges", affirme l'avocat.

Etranger à cette "ère victimaire", il a détesté aussi que l'avocat général se retourne vers les familles pour leur dire son "admiration". "Vous tourniez le dos à la cour pour vous servir du chagrin des victimes".

Il n'a pas cherché à rendre son client sympathique: un "salafiste radical", un "adepte de la charia": faut-il alors le juger selon les règles de l'Etat islamique? "C'est cela dont vous rêvez pour lui, c'est cela dont vous rêvez pour nous?".

En ces temps de colère, se cramponner au droit: contre la "communauté d'esprit, de projet et d'action" entre les deux frères dessinée par l'accusation et qualifiée de "ratatouille malsaine", il a rétorqué: "Tout ce qu'on vous propose en guise de preuve est qu'+il n'est pas irréaliste de penser qu'ils n'aient pas communiqué+. Deux fois le vide".

Lui qui ne connaît jamais les cotes du dossier se met à les citer les unes après les autres, ramassant brièvement les plaidoiries techniques et pointues de ses confrères, Archibald Celeyron et Antoine Vey.

- Le droit contre la barbarie -

Pendant plus de quatre heures, ils ont décortiqué tous les points soulevés par l'accusation. Pour affirmer la réalité de la brouille entre les deux frères, relevés téléphoniques à l'appui, pour affirmer "l'autonomie totale" d'un Mohamed Merah qui "n'a pas besoin de son frère Abdelkader" pour contacter la galaxie jihadiste, en Afghanistan ou dans l'arrière-pays ariégeois, ayant lui-même des liens directs avec Olivier Corel, "l'émir blanc" de la filière d'Artigat, et les frères Clain, dont l'un lui enverra de l'argent en détention.

Ils convoquent témoins et enquêteurs pour dire, comme l'a établi l'arrêt de première instance, que Mohamed Merah a toujours été seul au moment des crimes.

Seul aussi quand il vole le puissant scooter T-Max qu'il utilisera dans sa déambulation meurtrière à Toulouse et Montauban, où il tue trois militaires, un enseignant et trois enfants juifs, nourri de sa "haine" de l'uniforme et d'un antisémitisme viscéral.

Que faire alors de l'abondante documentation jihadiste d'Abdelkader Merah? De ses voyages en Egypte, berceau des Frères musulmans? 

"Est-ce que pour la première fois un homme va être condamné pour détention de fichiers dont rien ne démontre qu'il les a transmis à quiconque?", interroge Me Vey, tandis que Me Dupond-Moretti se demande en quoi Abdelkader Merah serait "différent des quelque 50.000 salafistes intégristes qui se trouvent sur le sol français".

Ils demanderont "l'acquittement" pour les faits de complicité, suscitant un murmure d'effroi dans les rangs des familles des victimes.

"Si l'on condamne un homme sans preuve, fut-il un islamiste radical de la pire espèce (...), on oublie que ce qui distingue la civilisation de la barbarie, c'est la règle de droit", a martelé Me Dupond-Moretti.

Un dernier mot, pour ceux qui accusent la défense de "terroriser la cour": il rappelle qu'en 1794, le président du tribunal de la Terreur avait demandé à Robespierre d'écarter un magistrat qui ne valait "rien comme juge" parce qu'il lui fallait "des preuves".

Le verdict est attendu jeudi soir.