Les bombardements de l'Otan ont offert son émancipation au Kosovo et leurs prénoms à Klinton Bajgora et ToniBler Dajaku, baptisés en hommage aux chefs de la coalition occidentale qui a frappé la Serbie il y a 20 ans. 

Ces drôles de prénoms, hommages au président américain Bill Clinton et au Premier ministre britannique Tony Blair, ne sont pas exceptionnels au Kosovo, où de jeunes filles s'appellent Madeleine en signe de gratitude pour la cheffe de la diplomatie américaine d'alors, Madeleine Albright. 

Entamées le 24 mars 1999, ces onze semaines de frappes occidentales, avaient offert la victoire aux indépendantistes kosovars albanais en forçant Slobodan Milosevic à retirer ses forces du Kosovo au terme du dernier conflit ayant conduit à l'explosion de l'ex-Yougoslavie. Cette guerre (1998-99) avait fait plus de 13.000 morts, en grande majorité albanais, et des centaines de milliers de déplacés. 

L'Otan est depuis exécrée par la plupart des Serbes, mais les Occidentaux, notamment les Américains, en ont retiré une indéfectible popularité parmi les Kosovars albanais. 

Au Kosovo, drapeaux américains et inscriptions "Merci à l'Otan" sont partout; Bill Clinton a son boulevard et sa statue qu'il était venu inaugurer en 2009. "A chaque fois que vous verrez cette statue, je veux que vous vous souveniez que je ne veux pour vous rien d'autre qu'un meilleur avenir", avait-il lancé à une foule en liesse.

"Père de la nation" 

Aujourd'hui lycéen, Klinton Bajgora, 16 ans, explique que ses parents ont voulu rendre hommage à celui qu'ils considèrent comme le "père de (leur) nation". 

"Sans Clinton, nous serions tous morts, ce pays ne serait pas indépendant, et je ne jouerais pas au foot avec mes amis", dit le garçon qui montre la bannière étoilée sur le toit de la maison familiale, à Dobratin, à 30 kilomètres au nord de Pristina. 

"C'était le seul moyen de le remercier. Je ne pense pas que le Kosovo ait de meilleur ami" que Bill Clinton, explique sa mère, Selvije Bajgora, mère au foyer de 50 ans. 

La famille Dajaku lui a toutefois préféré Tony Blair. "Dans les moments les plus critiques, quand était en jeu le sort de ma famille et du Kosovo, Tony Blair a usé de tout son pouvoir pour permettre l'intervention de l'Otan et le retrait des forces serbes du Kosovo", dit ToniBler, 18 ans. "Je porte ce prénom avec fierté", dit le jeune homme dont le père Sefer a combattu les forces serbes dans les rangs de l'Armée de libération du Kosovo (UCK). 

"Il n'y a pas que moi, tous les Albanais du monde sont les amis de la Grande-Bretagne" dont l'attitude à l'époque "se devait d'être remerciée par un nom", explique Sefer, qui vit dans le village de Rakinice (ouest). 

- Blair et les neuf Tony -

En 2010, lors d'une visite au Kosovo, l'ancien Premier ministre avait demandé à neuf jeunes baptisés en son honneur de monter à ses côtés à la tribune, quand il s'était adressé à la foule de Pristina. "Ce que j'ai fait était juste. Je ne l'ai pas regretté à l'époque. Je ne le regrette pas aujourd'hui", avait-il alors dit. 

Parmi les plus jeunes Kosovars, la renommée de Tony Blair est moindre que celle de Bill Clinton. Cela ne dérange guère ToniBler Dajaku, prêt à "toujours expliquer ce qu'il a fait pour le Kosovo". Quant à Klinton Bajgora, quand il joue au football, ses équipiers se permettent une privauté, en l'appelant "Bill". "C'est plus facile pour eux", dit-il. 

Près d'une décennie après la guerre, le Kosovo avait déclaré son indépendance qui n'est pas reconnue par la Serbie, ni par de nombreux pays, notamment deux membres du Conseil de sécurité, la Russie et la Chine, qui bloquent son entrée à l'ONU. 

Dans une séquence minutieusement préparée, les principaux pays occidentaux avaient reconnu l'indépendance du Kosovo immédiatement après sa proclamation au Parlement à Pristina le 17 février 2008.