Après un faux départ la semaine dernière, le procès de l'ex-président Nicolas Sarkozy pour corruption dans l'affaire dite des "écoutes" doit réellement débuter ce lundi 30 novembre. Tout était prêt au tribunal de Paris le 23 novembre pour l'ouverture de ce procès sans précédent, mais une chaise est restée vide : l'un des trois prévenus, Gilbert Azibert, avait sollicité un renvoi, invoquant sa santé fragile dans le contexte de l'épidémie de coronavirus. Après avoir ordonné une expertise médicale qui a conclu que son état de santé était "actuellement compatible" avec sa comparution, le tribunal a rejeté, jeudi, cette demande, sommant l'ex-haut magistrat de 73 ans de venir, "en personne", à l'audience lundi.

La 32e chambre correctionnelle doit ainsi commencer à 13h30 l'examen de cette affaire inédite : jamais un ancien chef de l'Etat n'a été jugé pour corruption sous la Ve République. Avant Nicolas Sarkozy, 65 ans, un seul ancien président, Jacques Chirac, a été jugé et condamné en 2011 dans l'affaire des emplois fictifs de la Ville de Paris, mais sans avoir jamais comparu devant ses juges, pour des raisons de santé.

L'ex-occupant de l'Elysée était, lui, bien présent aux courtes audiences de lundi et jeudi. "Je n'ai pas l'intention qu'on me reproche des choses que je n'ai pas commises", avait-il déclaré avant le procès, contestant être un "pourri" et dénonçant un "scandale".

Retiré de la politique depuis sa défaite à la primaire de la droite fin 2016 mais toujours très influent chez Les Républicains, Nicolas Sarkozy encourt dix ans de prison et un million d'euros d'amende pour corruption et trafic d'influence, comme ses coprévenus jugés en sus pour violation du secret professionnel. Ils contestent aussi toute infraction.

Dans ce dossier, il est soupçonné d'avoir, avec son avocat Thierry Herzog, tenté de corrompre Gilbert Azibert, alors en poste à la Cour de cassation. Selon l'accusation, Nicolas Sarkozy cherchait à obtenir des informations couvertes par le secret, voire à peser sur une procédure engagée devant la haute juridiction liée à l'affaire Bettencourt - dans laquelle il avait obtenu un non-lieu fin 2013. En contrepartie, il aurait donné un "coup de pouce" à Gilbert Azibert pour un poste de prestige convoité par ce dernier à Monaco, mais qu'il n'a jamais obtenu. 

Cette affaire, aussi appelée "Bismuth", a surgi d'un autre dossier qui concerne depuis des années l'ex-chef de l'Etat : celui des soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007, qui lui vaut une quadruple mise en examen. C'est dans le cadre de ces investigations que les juges ont découvert en 2014 l'existence d'une ligne téléphonique officieuse entre l'ancien président et son avocat, Thierry Herzog, ouverte sous le nom de "Paul Bismuth" - un état civil appartenant en réalité à une connaissance de lycée de Me Herzog qui, après un imbroglio, ne se constituera finalement pas partie civile au procès.

Les conversations interceptées sur cette ligne secrète sont au cœur du dossier des "écoutes" : elles sont la preuve, pour l'accusation, d'un "pacte de corruption". Une mise sous écoute "illégale", s'insurge la défense, qui estime que le secret des échanges entre un avocat et son client a été violé. Cette question, tranchée en défaveur du camp Sarkozy par la Cour de cassation en 2016, devrait être à nouveau débattue dès lundi.

La défense doit aussi s'attaquer à l'affaire "bis", celle des "fadettes" : une enquête préliminaire diligentée pour dénicher l'éventuelle "taupe" qui aurait informé Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog qu'ils étaient écoutés par la justice sur la ligne "Bismuth". 

Dans cette enquête parallèle, classée sans suite près de six ans après son ouverture, le parquet national financier (PNF) - qui représente l'accusation à l'audience - a épluché les factures téléphoniques détaillées ("fadettes") de plusieurs ténors du barreau parisien - une autre entorse au secret professionnel et à la vie privée des avocats, selon les conseils des prévenus.

Un autre rendez-vous judiciaire attend Nicolas Sarkozy au printemps : le procès de l'affaire Bygmalion sur ses frais de campagne pour l'élection présidentielle de 2012.