Nouvel épisode dans l'affrontement entre les magistrats et le ministre de la Justice. Un militant écologiste accuse Éric Dupond-Moretti de "prise illégale d'intérêts" dans l'affaire qui l'oppose à des magistrats du Parquet national financier et a demandé à la Cour de justice de la République (CJR) d'ouvrir une enquête, a-t-il indiqué jeudi 1er octobre, confirmant une information de Mediapart.

Raymond Avrillier, 72 ans, ancien maire-adjoint de Grenoble, a écrit en ce sens lundi à la commission des requêtes de la CJR, seule instance habilitée à juger des actes commis par des membres du gouvernement dans l'exercice de leurs fonctions. "Eric Dupond-Moretti agit en tant que ministre dans une affaire où il est partie au dossier", a expliqué Raymond Avrillier. "Faute d'avoir un parlementaire ou une institution qui agisse, je me suis senti le devoir d'intervenir pour que la justice puisse fonctionner en toute indépendance".

 

Dans son courrier, l'ancien élu, connu pour être à l'origine du scandale impliquant l'ex-maire de Grenoble Alain Carignon, estime que la décision du ministre d'ouvrir une enquête administrative contre trois magistrats du PNF constitue une infraction pénale, la "prise illégale d'intérêts", passible de cinq ans de prison et 75.000 euros d'amende.

Cette enquête administrative, ordonnée le 18 septembre, fait suite à la mise en cause du PNF pour avoir épluché en 2014 les relevés téléphoniques détaillés ("fadettes") de ténors du barreau, dont des avocats de l'ancien chef de l'État Nicolas Sarkozy, mais également Éric Dupond-Moretti lui-même.

Lorsqu'il était avocat, Éric Dupond-Moretti avait porté plainte contre le PNF dans cette affaire des "fadettes". Il a ensuite abandonné cette plainte le jour de sa nomination au ministère.

Le PNF avait utilisé les "fadettes" pour tenter d'identifier la "taupe" qui aurait pu informer Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog, ami de l'actuel garde des Sceaux, qu'ils étaient sur écoute dans une enquête pour des soupçons de corruption d'un magistrat, qui doit être jugée en novembre. 

La commission des requêtes de la CJR, composée de sept hauts-magistrats a accusé réception de cette saisine mercredi. Elle est désormais chargée d'en examiner la recevabilité et de décider s'il convient d'ouvrir ou non une instruction contre le ministre.

Les décisions du ministre dans ce dossier ont suscité ces dernières semaines un vif mouvement de colère au sein de la magistrature dans toute la France. "Ce n'est pas la magistrature qui est en danger, c'est l'indépendance de la justice", a mis en garde mercredi François Molins, procureur général près la Cour de cassation sur RTL.