L'affaire McKinsey est-elle le fruit de "dérives" ? Faut-il mettre sous tutelle la Ville de Paris pour pallier à son désendettement ? Ces derniers temps, les ministres ne sont pas toujours d'accord quand il s'agit de commenter l'actualité, poussant Emmanuel Macron à recadrer certains membres de son gouvernement.

Le président de la République a invité, en conseil des ministres, les membres de son gouvernement à se concentrer "sur les fondamentaux" et à ne pas alimenter un climat de "démagogie", selon un ministre à l'AFP, dont les propos ont été corroborés par une autre source ministérielle. Il n'y a rien de nouveau, a toutefois modéré un conseiller, Emmanuel Macron appelant à "l'unité toutes les semaines".

La présidentielle et Paris dans le viseur

Bruno Le Maire était particulièrement visé.

Le ministre de l'Économie a en effet reconnu dimanche des "abus" et une "dérive" passés dans le recours des ministères aux cabinets de conseil privés, tel que l'américain McKinsey, au centre de deux informations judiciaires notamment pour éventuel favoritisme. Le lendemain, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran réfutait au contraire toute "dérive" ou "abus".

Le locataire de Bercy, à qui est prêté des ambitions jusqu'à l'Elysée, "la joue un peu solo. Il avait très envie de dire qu’il avait baissé le recours à McKinsey" dans son ministère, sourit un autre conseiller.

D'autres dissensions ont émergé dimanche entre les ministres des Comptes publics, Gabriel Attal, et des Transports, Clément Beaune. Le premier a affirmé dans le Parisien vouloir aider surtout "la France laborieuse", reprenant des expressions aux accents très sarkozystes, tandis que le second a répondu sur Europe 1 que "le travail n'(était) pas réservé à quelques-uns" et appelé "au contraire à avoir un discours de rassemblement". Ils n'ont pas semblé non plus d'accord sur la manière de pallier l'endettement de la Ville de Paris. Clément Beaune n'a "pas exclu" une mise sous tutelle de la capitale, une éventualité qui n'est "pas d'actualité" pour Gabriel Attal. Ces divergences sont le reflet d'une "course à la mairie" de Paris en vue des élections municipales de 2026, relève une source gouvernementale.

Plus généralement, un autre ministre ne voit pour l'instant dans ces dissonances qu'une "compétition au sens émulation", entre Bruno Le Maire et d'autres membres du gouvernement, comme le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin qui aurait aussi de grandes ambitions pour 2027. Cette concurrence est "plus enrichissante que problématique" à ce stade, mais "je ne suis pas garant dans un an" de la situation, prévient la même source.

Selon un autre ministre, d'autres dissensions couvent à l'approche du débat sur l'immigration le 6 décembre entre Gérald Darmanin et le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti.

De quoi en tout cas compliquer la tâche de la Première ministre Elisabeth Borne, déjà privée de majorité absolue, et qui a appelé récemment son gouvernement à la "mobilisation" sur des réformes difficiles à venir, comme les retraites.

"La succession est ouverte"

Emmanuel Macron, qui ne peut pas se représenter en 2027, avait déjà appelé fin août sa majorité à "réaffirmer une unité très forte" et à ne pas céder à la tentation de la "démagogie", quand certains ministres suggéraient, après un été caniculaire, de réguler les jets privés.

Le constitutionnaliste Benjamin Morel voit dans ces dissonances "un manque de cohérence gouvernementale qui va croissante", "des ambitions pour quelques-uns", mais aussi de "vraies ruptures sur la ligne idéologique" entre l'aile gauche de la Macronie revendiquée par Clément Beaune, et les partisans du dépassement comme Gabriel Attal. Il n'y a "pas de divergences de vues", rétorque au contraire un conseiller.

"C'est le signe que la succession est ouverte", note l'historien Jean Garrigues, qui vient de publier "Elysée contre Matignon" (éditions Tallandier). Il rappelle que le premier à être sorti du bois fut l'ex-Premier ministre Edouard Philippe quand il a créé en octobre 2021 le parti Horizons.

Pour lui, ces discordances peuvent certes "fragiliser" la Première ministre. Mais, cela peut en même temps "renforcer" son image de cheffe de gouvernement "sérieuse", "au service du bien commun".