Après une passe d'armes avec la municipalité, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin se rend jeudi 25 février à Marseille pour y discuter de l'aide de l'État dans la lutte contre le trafic de stupéfiant. Au menu : renforts policiers, vidéosurveillance et stratégie.

Le ministre, qui se rendra aussi vendredi à Rognac et Arles, entend montrer qu'il est "attentif à la situation de Marseille", soulignant "l'effort très important" du gouvernement, avec 300 policiers en renfort, "afin d'accentuer la lutte contre les trafics".

La semaine dernière, le ministre et la nouvelle municipalité de gauche s'étaient accrochés après que Gérald Darmanin lui eut reproché d'avoir "refusé" l'argent qu'il proposait pour de la vidéoprotection.

"Jusqu'à preuve du contraire, une caméra n'a jamais arrêté le moindre voleur, encore moins un trafic de drogue", avait rétorqué Yannick Ohanessian, l'adjoint à la sécurité.

300 policiers, dont 100 en 2021

Quelques heures après sa déclaration à la radio RTL, le ministre dévoilait via Twitter cette arrivée de 300 nouveaux policiers, "dont 100 en 2021". Une annonce saluée par le maire de Marseille, Benoît Payan: "C'est déjà bien! Je préfère un ministre qui aide Marseille plutôt qu'un qui fasse du cinéma", a-t-il déclaré samedi au quotidien régional La Provence.

Au-delà de ces effectifs supplémentaires, c'est la stratégie de lutte contre la délinquance, et notamment les trafics de drogue, qui devrait être abordée entre les élus marseillais et le ministre.

"La vraie question, à Marseille, c'est la criminalité liée aux stupéfiants, à ces trafics qui se professionnalisent, qui redeviennent plus violents, comme dans les années 1980, et dont les participants rajeunissent", a expliqué Jean-Baptiste Perrier, directeur de l'institut de sciences pénales et de criminologie à l'université d'Aix-Marseille.

156 points de vente

Selon les derniers chiffres policiers, révélés mercredi par La Provence, Marseille compterait 156 "plans stups", dont certains accueilleraient jusqu'à 2.000 clients par jour, pour des revenus quotidiens de 80.000 euros. 

Face à ce phénomène, qui pourrit la vie quotidienne des habitants de ces quartiers, la nouvelle municipalité ne compte pas sur la vidéo. "Aujourd'hui, une caméra, dans une cité, elle a une durée de vie de dix minutes", assure l'adjoint à la sécurité. "Je préfère embaucher des policiers", confirme Benoît Payan.

Les caméras "ne font que déplacer la criminalité, elles ne la font pas baisser", estime Jean-Baptiste Perrier : "C'est ce qu'on appelle 'l'effet plumeau', on ne commet pas l'infraction là où la caméra filme, mais là où il n'y a pas de caméra".

Yannick Ohanessian dénonce par contre un "manque criant" d'effectifs policiers, avec "à peine six équipages de BAC (brigades anticriminalité) la nuit" : "Sur les trois dernières années, on a perdu 200 à 300 policiers nationaux sur la voie publique".

Marseille s'est engagée à recruter 100 policiers municipaux, en plus des 421 déjà en place. Objectif: renforcer la police municipale de nuit, "très insuffisante", et assurer "davantage de missions d'îlotage, pour mailler l'ensemble du territoire". Un défi, dans une ville plus de deux fois plus étendue que Paris.

"Approche globale"

Lors de sa visite jeudi dans le commissariat du 15e arrondissement, dans les quartiers populaires et déshérités du nord de la ville, les plus touchés par les trafics de drogues, Gérald Darmanin devrait revenir sur "l'approche globale", stratégie adoptée fin 2012 associant coopération renforcée entre tous les services de l'État -police, douane, fisc, etc.- face aux trafiquants et interventions sur l'habitat, l'urbanisme et le social.

"Cette approche proactive" a eu des résultats au niveau des règlements de comptes, en forte diminution dans le département, avec seulement 12 morts en 2020 contre 29 en 2016, "un plus haut depuis 30 ans", se félicitait le patron de la police judiciaire dans la zone sud Eric Arella.

Dans un récent communiqué, la préfète de police des Bouches-du-Rhône, Frédérique Camilleri, a elle vanté une méthode "complémentaire", "plus offensive et visible", celle du "pilonnage": des opérations coup de poing, sur des points de vente, aux heures les plus lucratives.

Mais l'action policière ne suffira pas, relève Jean-Baptiste Perrier : "Ce qui est tragique, c'est que pour un jeune, dans ces cités, la réussite est beaucoup plus simple dans le réseau de stupéfiants que dans la vie normale".