A Vidéo City, des Youtubeurs "en vrai", le rêve des ados de 2015

"Si je vois EnjoyPhoenix, ce sera le plus beau jour de ma vie": comme Lola, 11 ans, 25.000 fans se pressent ce week-end au salon Vidéo City à Paris pour voir "en vrai" leurs YouTubeurs préférés, ces stars d'internet adulées des ados et ignorés des parents.

Inspiré des salons américains, l'événement rassemblait pour la première fois 160 stars françaises de YouTube : les humoristes Norman, Cyprien, ou Natoo, les expertes modes et beautés comme EnjoyPhoenix ou Emma CakeCup, et une nouvelle génération comme Sulivan, 15 ans, alias "Un Panda moqueur" (800.000 abonnés) ou "Sundy Jules", 16 ans (400.000 abonnés), des jeunes gens qui ont connu un succès fulgurant ces derniers mois.

Dans un des halls de la porte de Versailles, des bandes de filles zigzaguent à toute vitesse pour apercevoir l'un ou l'autre des Youtubeurs vedettes, protégés par des gros bras de la sécurité.

Quatre copines, Emma, Timéa, Anouk et une autre Emma, 12 ans, sont venues avec deux de leurs parents passer la journée dans ce que les fans appellent un "meet-up", une rencontre "physique" entre ceux qui postent des vidéos sur YouTube et leur public.

Dans de petits stands, les YouTubeurs voient défiler les chanceux qui ont, lors du tirage au sort au moment de l'achat de leur billet en ligne, gagné une place pour une dédicace.

L'ambiance n'a rien à voir avec le Salon du livre. "Quand j'ai vu Natoo, je lui ai sauté dans les bras pour un câlin", s'émerveille Anouk.

Julie, 14 ans, pleure de joie d'avoir aperçu au loin Sulivan, le "Panda Moqueur" derrière une foule d'admiratrices. L'une lui tend une peluche de panda géante, l'autre un gros paquet cadeau, les plus émotives ont les larmes aux yeux. Les adultes sont un peu dépassés. "Ils ne comprennent pas trop pourquoi on pleure", reconnaît Mia, 14 ans.

Sur plus de 300.000 chaînes Youtube en France, seules 50 environ dépassent le million d'abonnés, et quelques centaines de créateurs ont suffisamment de "vidéos vues" pour en vivre, grâce aux publicités dont près de la moitié des recettes est encaissée par Youtube.

Mais leur popularité fait rêver, et bon nombre des très jeunes veulent les imiter, comme Noa, qui à 13 ans vient de créer une chaîne dédiée au jeu "Minecraft". Très fière, sa mère le traine à la conférence de YouTube sur "comment créer sa chaîne".

Concurrence aux télés

Nombreux sont les aspirants créateurs qui "ne savent pas quoi y mettre", comme Marie, 15 ans : pas facile de suivre le mode d'emploi de YouTube pour lancer une chaîne, qui leur pose comme préalable : "Ayez une passion".

Les YouTubeurs aussi se réjouissent de cette occasion de rencontrer leur public. "C'est la première fois que je montais sur une scène, c'était une expérience de dingue", sourit Emma "CakeCup", 19 ans, qui vit de ses vidéos et a tout récemment raconté à ses fans sa rhinoplastie.

"C'est très bizarre de voir plein d'abonnés en vrai. Ils m'envoient beaucoup d'amour", dit-elle.

"Ce type d'événement n'existait pas en France. Nous pouvons mettre un coup de projecteur sur tous les YouTubeurs, qui sont très proches de leur public. On ne mesure pas encore l'ampleur du phénomène et la passion qu'ils déchaînent", explique Antoine de Tavernost, l'un des organisateurs du salon -- et fils du patron de M6 Nicolas de Tavernost.

"Ce sont des stars mais qui ne se comportent pas comme telles, ils transmettent juste ce qu'ils ressentent. Il n'y a pas d'école de YouTubeurs", souligne-t-il. "Les chaînes de télé essaient de comprendre ce phénomène avec plus ou moins de succès", ajoute-t-il.

"Ce salon permet de passer du virtuel au réel, car sinon les fans sont frustrés de ne pas les rencontrer", renchérit Thierry Boyer, patron de la régie Mixicom, qui gère la publicité de stars comme Norman et Cyprien. "Ils concurrencent désormais les médias installés", conclut-il.