Des start-ups à l'assaut du transfert d'argent à l'étranger, longtemps chasse gardée des banques

Des start-ups s'attaquent au secteur du transfert d'argent à l'étranger avec des solutions en ligne, moins chères et plus rapides que celles des banques et de la poignée d'acteurs qui dominent ce secteur lucratif.

Selon les estimations de la Banque mondiale, près de 600 milliards de dollars ont été envoyés par les particuliers d'un pays vers un autre en 2014, un phénomène appelé à s'amplifier avec l'augmentation des flux migratoires.

Les transactions en ligne ne représentaient que 5% de cette somme, selon l'institution, le reste des transactions ayant lieu en agence (banque, bureau de poste..).

Le marché du transfert d'argent des PME à l'international est quant à lui estimé à plus de 5.000 milliards de dollars.

Au niveau mondial, le coût moyen d'un transfert d'argent s'établit à 7,68%, les banques facturant en moyenne 10,96% quand les sociétés spécialisées (Western Union, MoneyGram) prélèvent 6,59% de la transaction, toujours selon la Banque mondiale.

"Nous sommes jusqu'à 9 fois moins cher qu'une banque", indique Taavet Hinrikus, fondateur de TransferWise, start-up basée à Londres spécialisée dans le transfert d'argent.

Lancée en 2011, cette jeune pousse qui a connu une croissance fulgurante emploie aujourd'hui 400 personnes et permet d'envoyer de l'argent depuis 36 pays. Elle transfère aujourd'hui 700 millions d'euros par mois.

Après avoir conquis 2% des parts de marché au Royaume-Uni, TransferWise mise sur la France: "c'est un marché très important pour nous. Il y a des liens très fort entre la France et le Royaume-Uni, avec de nombreux Français basés à Londres et également beaucoup de PME françaises y faisant des affaires", indique M. Hinrikus.

Cet Estonien, premier employé de Skype, a eu l'idée de monter ce service quand il a déménagé à Londres mais était toujours payé par Skype en euros. Il rencontre alors un compatriote, Kristo Käärmann, qui est payé en livres sterling et doit envoyer des euros en Estonie. Ils décident de s'échanger directement les devises, base du concept de TransferWise.

Plus rapides et moins chères

"Les banques facturent des frais cachés sur les taux de change, entre 4 et 5%. Nous, nous pratiquons les frais les plus bas possibles. Notre but c'est de permettre aux particuliers à travers le monde d'envoyer de l'argent à très bas coût et très rapidement", raconte M. Hinrikus, dont la start-up est valorisée à 1 milliard de dollars.

Si elle n'est pas encore rentable, la start-up connaît une croissance d'entre 15 et 20% par mois et a attiré de célèbres investisseurs comme le milliardaire Richard Branson ou Xavier Niel.

Le secteur suscite les convoitises: cet été Paypal, spécialiste du paiement en ligne, a racheté Xoom, une société américaine spécialisée dans les transferts d'argent internationaux, pour 890 millions de dollars.

Le français PayTop, créé en 2012, opère dans 138 pays et propose 50.000 points de retrait, pour 25 millions d'euros de flux.

Le modèle de ces fintech (start-up spécialisée dans la finance) est simple: casser les marges abondantes de ce secteur où opèrent très peu d'acteurs (le plus connu, Western Union, détient 15% des parts de marché), grâce à un modèle en ligne moins coûteux que les agences.

Une autre start-up britannique, Azimo, s'est elle alliée à Facebook afin de permettre le transfert d'argent via le réseau social. "Les fintech ont bouleversé cette industrie et ont fait baisser drastiquement les coûts", indiquait la semaine dernière le PDG Michael Kent dans une tribune, estimant que le secteur était à un moment charnière de son histoire.

Sa compatriote WorldRemit s'est de son côté positionnée sur les migrants, notamment ceux issus du continent africain, qui selon la Banque mondiale, paient les frais les plus élevés.

L'institution, qui s'est engagée aux côtés des pays du G20 pour faire baisser les coûts du transfert d'argent, pénalisants pour les travailleurs migrants, visait une baisse des frais à 5% pour 2014.

Malgré la montée en puissance des start-ups, les coûts globaux restent plus élevés que cet objectif, à cause notamment du resserrement des contraintes réglementaires.