01 septembre 2015
Alors que la révolution numérique bouscule la pédagogie traditionnelle, des start-up espèrent surfer sur le marché prometteur de l'e-éducation pour évincer les éditeurs traditionnels de manuels scolaires, sans toutefois avoir encore trouvé le modèle économique miracle pour rafler la mise.
Plus besoin de professeurs ni de salles de cours, une application mobile suffit désormais pour réviser ses leçons. Inspirés par le succès des pionniers étrangers comme l'américain Khan Academy, qui a su exploiter l'ergonomie des tablettes numériques pour révolutionner l'apprentissage des mathématiques, des dizaines de start-up françaises rivalisent d'innovations pour répondre à cette demande croissante de nouveaux contenus éducatifs.
"Nous avions la volonté de rompre avec la méthode de pédagogie traditionnelle: "Je fais la leçon et après je fais les exercices pour valider la compétence". Cela marchait peut-être à l'époque de Jules Ferry mais ce n'est plus du tout approprié pour la génération Google", explique Jérôme Serre, co-fondateur d'EduPad, qui mise plutôt sur les vidéos courtes ou les mécaniques du jeu-vidéo pour mieux "capter l'attention de l'enfant".
Et la formule fonctionne. Avec son catalogue de 160 applis iTooch à destination des élèves du primaire au collège et commercialisées à 4,99 euros, Edupad a enregistré une croissance de 50%, essentiellement grâce aux États-Unis où il a réalisé 70% de son chiffre d'affaires estimé à 500.000 euros.
Un temps désarçonnés par l'irruption des "pure-players", les acteurs traditionnels comme les éditeurs de manuels scolaires, ont mis en place des cellules de recherche et développement consacrées au numérique à l'image d'Editis (Nathan, Bordas) pour ne pas laisser ce segment porteur être monopolisé par les jeunes pousses de l'internet.
De fait, le marché de l'e-éducation est plein de promesses. Selon une enquête réalisée par le Credoc, le taux d'équipement en tablettes numériques en France a quasiment doublé, passant de 17% en 2013 à 29% en 2014.
"Plus il y aura d'équipements en tablettes, plus le marché va se développer", espère Sylvain Fayol, directeur du numérique chez Editis, qui mise sur la plateforme "Viascola" ou la suite ExoNathan, 40 applications par discipline et par niveaux, pour doper des revenus issus du numérique "encore marginal" et représentant "moins de 5% du chiffre d'affaires".
Pas de modèle économique miracle
Car si le potentiel est grand, la rentabilité n'est pas encore au rendez-vous pour tout le monde dans ce marché très concurrentiel.
Avec sa "machineareviser.com", une solution de révision intelligente initialement lancée en 2014 à destination des lycéens puis des collégiens, Domoscio a finalement décidé de réorienter son activité vers le marché de la formation professionnelle, beaucoup plus rentable à ses yeux.
"Personne n'a encore trouvé le bon modèle économique. Il n'y a pas encore d'acteur majeur qui ait réussi à dégager un chiffre d'affaires représentatif, à savoir 10 millions d'euros", souligne Thierry Debarnot, co-fondateur de Digischool, davantage tourné vers les lycéens et les étudiants, et qui tire 90% de ses revenus de la publicité et l'analyse de données.
"Si une école d'ingénieur nous demande un profil "Bac S" on met les bannières publicitaires qu'il faut", explique M. Debarnot, à la tête de l'un des leaders du secteur, grâce à ses applis sur le bac ou le code de la route, qui ont attiré près de 8 millions d'utilisateurs au premier semestre 2015.
En attendant la formule miracle, ces start-ups ont les yeux tournés vers l'Éducation nationale. Longtemps chasse gardée des éditeurs traditionnels, le marché public semble vouloir s'ouvrir à de nouveaux acteurs depuis l'annonce par François Hollande d'un plan d'un milliard d'euros consacré au numérique à l'école.
Avec l'objectif que la France "puisse être leader dans l'e-éducation" à la fois en termes de contenus et d'équipements.
Mais si la tendance leur semble favorable, les jeunes pousses de l'e-éducation vont toutefois devoir patienter avant de s'inviter dans les classes tant la formation des enseignants et des personnels, prévue durant les trois prochaines années, s'annonce longue.