L'unboxing: déballer des jouets et faire des millions de vues sur YouTube

Il y avait les contes, les dessins animés et maintenant l'unboxing: prenez un enfant, faites-lui déballer un oeuf Kinder, laissez-le commenter... Succès garanti auprès des petits et sur YouTube où ces vidéos d'un nouveau genre font un tabac.

Ca pourrait être un banal film amateur tourné un dimanche en famille. Mais "l'unboxing"( "le déballage"), objet culturel encore mal identifié en France, vient des États-Unis, où EvanTube, le plus célèbre des jeunes youtubeurs, avoisine le milliard et demi de vues.

Un Français a importé le concept et s'est mis à filmer ses deux filles ouvrant des œufs en chocolat, des pochettes-surprises, des coffrets, ou lorsqu'elles visitent des parcs d'attraction. Résultat, un an et demi après le lancement de la chaîne YouTube "Studio Bubble tea" : 35 millions de vues par mois (150 millions au total).

"Pour protéger ses filles", Mickaël ne révèlera pas son nom de famille. Les internautes ne connaissent pas son visage mais sa voix et ses mains, qu'on aperçoit montrant les notices de jouets, manipulant les pièces en plastique.

Mignoncité

Le papa de Kalys, 8 ans et Athéna, 3 ans, poste chaque jour une vidéo montrant les deux gamines aux yeux bleus angéliques accomplissant leur mission déballage, qu'elles prennent très au sérieux.

"Est tombée bouboule", lâche Athéna en éclatant de rire lorsqu'un jouet lui échappe des mains.

Ton attendrissant, adorables blagues et message plein de "mignoncité" (néologisme désignant les contenus gentils et sympathiques dont raffolent les internautes) : derrière une réalisation "artisanale" pointent la logique du net et son financement par la publicité.

"Oeufs surprises Peppa pig, Adventure Time, Disney Princesse -Unboxing eggs & toys", "Kinder Surprise Géant Play Doh plein de surprises", "Céréales et pochette surprise Reine des Neiges", autant de titres, de marques savamment citées, répondant à des exigences de référencement sur les moteurs de recherche.

La mère des enfants, dont Mickaël est séparé, a donné son accord pour l'utilisation de l'image de Kalys et Athéna "qui ne sont pas actrices" - précise-t-il, refusant de préciser le montant des revenus publicitaires qu'il touche. Tout juste reconnaît-il qu'il "arrive à vivre de ça".

En France, seuls quelques centaines de youtubeurs comme Mickaël peuvent vivre de leur chaîne : la plateforme reverse 50% des recettes publicitaires générées par les vidéos à leurs auteurs, avec un peu moins d'un euro pour mille vues, selon les estimations des professionnels.

Psychologie de la pochette surprise

Les vidéos durent six, sept, parfois quinze minutes, des formats longs pour le web, une "durée qui ne pose pas de problème aux enfants", selon le fondateur de la chaîne.

Ni marketeur ni psychologue, "juste un papa qui observe bien ses enfants", Mickaël n'oublie pas de lire les références sur les boîtes de jouets et de faire une innocente "récapépète" à la fin de la vidéo, énumérant le contenu du cadeau déballé. Seul manque le prix.

La recette fonctionne. Pics d'audience à 7H00 du matin, à partir de 17H00 et avant d'aller au lit, une moyenne d'âge des internautes de six ans.

Sarah, maman de Lison, 5 ans, ne comprend pas la "passion" de sa fille pour les oeufs Kinder : "Elle clique, et évidemment elle veut qu'on lui achète les trucs...".

Excitation de la nouveauté, sentiment de partage, interaction avec les petites... "On transpose par procuration l'ouverture du jouet", analyse Mickaël, évoquant "quelque chose de chimique dans la tête des gamins: ils se disent "qu'est-ce qu'il peut y avoir dans cette surprise ?"".

"En boutique, on n'a pas la possibilité d'ouvrir les boîtes, de déchirer l'emballage, de découvrir comment ça se monte", appuie Virginie Maire, la dirigeante de Finder Studios, partenaire de Studio Bubble Tea qui aide les talents du web à monétiser leurs chaînes auprès des annonceurs en échange d'une commission.

Mickaël, qui assure acheter tous les jouets qu'il met entre les mains de ses filles, n'a pas encore noué de partenariat avec une marque. Mais, dit-il, "ce n'est pas exclu que ça arrive un jour".