La ruée vers l'or des sites d'informations en ligne

L'argent afflue à un rythme sans précédent dans les sites internet d'informations, les investisseurs anticipant une accélération du basculement des consommateurs vers des médias en ligne.

Le groupe de médias américain NBC Universal (groupe Comcast) vient ainsi d'investir dans BuzzFeed et Vox Media (le propriétaire des sites The Verge ou Re/Code). Les deux sociétés ont encaissé 200 millions de dollars chacune et sont désormais évaluées à plus d'un milliard de dollars, comme leur concurrente Vice Media qui avait obtenu 500 millions de dollars l'an dernier de la chaîne A+E Networks et du fonds TCV.

Ces investissements apparaissent comme des signes de confiance dans la capacité de ces nouveaux médias numériques à faire de l'audience, notamment parmi les jeunes générations qui boudent les médias traditionnels, et à générer des profits, jugent des analystes.

Ken Doctor, de la société de recherche Outsell, relève ainsi que "ces sociétés ont en commun une captation importante d'une nouvelle partie du marché, à savoir les +Millennials+", les jeunes adultes de la génération internet, nés après 1980 et qui s'abonnent rarement à la presse écrite ou à la télévision câblée, préférant trouver la plupart de leurs contenus en ligne.

"Les marchands découvrent la génération des "Millennials" au fur et à mesure qu'elle représente davantage de potentiel de profit", ajoute Ken Doctor, qui va jusqu'à parler de "course aux armements".

Une part importante de l'argent injecté dans les sites d'information en ligne provient de médias traditionnels cherchant de nouveaux moyens de négocier le virage numérique: 21st Century Fox, la société de la famille Murdoch, fait par exemple partie des investisseurs de Vice Media, et Time Warner de ceux de Mashable.

"C'est autant une protection qu'autre chose", juge Ken Doctor, "c'est beaucoup d'argent mais pas des montants qui font sauter la banque".

"Le numérique dévore tout"

Après la presse écrite il y a une décennie, c'est au tour de la télévision de souffrir des perturbations liées à la révolution internet. Alors que les consommateurs commencent à s'éloigner des traditionnels méga-abonnements regroupant des centaines de chaînes câblées, "on peut voir les lignes de faille", indique M. Doctor. "Le numérique dévore tout, et la télévision n'est pas épargnée".

Les jeunes sites en ligne ayant le plus de succès ont trouvé de meilleurs moyens de communiquer avec leur public et d'utiliser la technologie.

"BuzzFeed, Vox, et d'autres startups en vue affirment qu'elles ne sont pas seulement des entreprises fortes en contenu, mais des entreprises fortes en technologies", note Nikki Usher Layser, professeure de journalisme à l'Université George Washington spécialisée dans les médias numériques.

Cela signifie que ces entreprises "utilisent la science des données pour comprendre comment l'information se répand" et se partage, afin de mieux adapter leurs publications et de permettre aux annonceurs publicitaires de toucher des segments spécifiques du public, explique-t-elle.

BuzzFeed ou Mashable par exemple utilisent la technologie pour déterminer comment certaines informations deviennent virales. AOL, récemment racheté par Verizon et propriétaire de sites comme le Huffington Post ou TechCrunch, est connu pour ses technologies publicitaires, capables de mesurer l'efficacité des messages en ligne.

Pas de recette miracle

Pour Rebecca Lieb, une analyste des médias indépendante, rapprocher anciens et nouveaux médias peut avoir des avantages, comme quand NBC Universal envisage de partager des extraits des jeux Olympiques sur BuzzFeed.

"On a un grand nombre de "Millennials" qui ne vont jamais s'abonner à la télévision, donc je suis sûre que NBC espère que BuzzFeed va l'aider à attirer un nouveau public", indique-t-elle.

Cette tendance encourage aussi des investissements dans les contenus, et favorise des embauches à l'heure où la baisse des effectifs s'accélère dans les rédactions traditionnelles.

D'après Ken Doctor, les nouveaux médias dépensent 60% à 70% de leurs budgets pour des informations et des contenus, alors que cela entre pour 12% seulement dans les coûts de la presse écrite, dont une grande partie du budget va aux dépenses d'imprimerie et de distribution notamment.

"Ces entreprises sont persuadées que de bons contenus, appropriés, soutiennent l'activité", souligne-t-il.

Mais il reste à savoir si elles profitent actuellement d'une bulle d'investissements leur octroyant des valorisations exagérées.

"On a peu de preuves de retour effectif sur investissement", reconnaît Nikki Usher Layser, disant ne pas voir "de recette miracle menant clairement à la rentabilité".