Les cartes Michelin s'organisent face à la vague numérique

Les systèmes de guidage des automobilistes et la cartographie sur internet ont bien failli faire disparaître les bonnes vieilles cartes routières, mais Michelin ne se laisse pas abattre, papier et numérique étant jugés tout à fait complémentaires.

En chute libre depuis une quinzaine d'années, le marché des cartes s'est désormais stabilisé, indique Philippe Sablayrolles, responsable de la production cartographique du fabricant de pneus.

"On assiste à un changement de l'usage. La grande majorité des gens ne se servent plus de la carte pour faire du guidage et pour arriver à destination", observe-t-il. "Elle devient un objet de préparation et de découverte, et moins de navigation."

Chassée par le GPS, la carte a donc déserté les vide-poches des voitures, mais elle reste bien utile pour échafauder un voyage ou planifier une excursion. Et M. Sablayrolles d'évoquer avec gourmandise "le plaisir de la déplier sur la table".

S'il vend moins de papier, le département cartographie de Michelin écoule encore entre 7 et 8 millions de cartes tous les ans --revendiquant notamment 75% de parts de marché en France--, et aussi 2,4 millions de guides. Autant d'appréciables supports publicitaires pour les pneus.

La direction est très évasive dès que l'on parle d'argent, se contentant de dire que cette activité représente un peu moins de 1% du chiffre d'affaires du groupe (19,6 milliards d'euros en 2014), et qu'elle n'est pas déficitaire.

Après avoir tâtonné pendant quelques années, Michelin a stabilisé sa collection. Et continue même à sortir des nouveautés, cartographiant des destinations touristiques: Martinique, Guadeloupe, Réunion, Islande...

"Oui, il y a une baisse légère du marché, mais on est là, on est présents, on est reconnus et on gagne des parts de marché", souligne Claire Dorland-Clauzel, responsable des marques, des cartes et des guides chez Bibendum.

"Etre numéro un, ça aide à rester, évidemment", ajoute-t-elle malicieusement.

"Dans un monde qui est submergé d'informations, on se rend compte que les clients aiment bien être guidés", relève la responsable, pour qui l'assistance au voyageur est "enracinée dans l'ADN de Michelin" depuis la création du premier guide en 1900.

Place à la pub

Reste que le géant français du pneu se devait de réagir sur le terrain du numérique.

Son application mobile de navigation, lancée en 2011, fait désormais fonction de GPS. Et surtout, il vient de "relooker" son site d'itinéraires ViaMichelin, créé en 2001, qui était resté un peu en jachère depuis quelques années.

Déclinée dans treize pays européens, la nouvelle version du site propose 19 niveaux de zooms d'une cartographie homogène, et intègre des services de l'application mobile, comme les conditions de circulation en temps réel. Et tant pis si les cartes ne sont, bizarrement, pas toutes à jour.

Des boutons permettent de retrouver le fond de carte Michelin traditionnel... et aussi de localiser tous les restaurants McDonald's de France, pub oblige.

"Il faut vivre avec son temps!" s'amuse la patronne des cartes et des guides.

Il est bien loin, le temps où Michelin proclamait qu'il refusait toute publicité payée dans ses guides. Mais Claire Dorland-Clauzel est formelle: il n'y a aucune relation entre ceux qui les rédigent et leurs collègues du commercial.

"L'indépendance de la sélection, c'est le trésor de Michelin", souligne-t-elle. "Il y a des gens qui font la sélection, qui paient leur addition, qui sont anonymes et qui sont salariés."

"Qu'autour de ça, avec l'arrivée de l'économie digitale se développe tout un tas de services et que ces services soient payants, c'est normal!"

Les restaurateurs retenus par le Guide (rouge) Michelin sont ainsi automatiquement repris sur l'application mobile qui reprend ledit guide, mais ils sont invités à payer pour s'y mettre en avant et bénéficier du système de réservation de tables.

"Comme toutes ces applications sont gratuites, les modèles sont toujours les mêmes. Le "business model", c'est (faire payer) la visibilité, le soutien à la marque et la publicité", résume Mme Dorland-Clauzel.

Et l'avenir? "On va développer des partenariats avec d'autres acteurs pour faciliter la mobilité des gens", juge-t-elle. "On ne fera plus les choses tout seul!"

Mais il devrait toujours rester des cartes, pour rêver au voyage.