14 avril 2016
Utiliser l'intelligence artificielle pour créer de lucratives interactions entre consommateurs et entreprises sur les populaires messageries mobiles comme WeChat ou Facebook Messenger: c'est ce qui motive la prochaine invasion annoncée dans le secteur technologique, celle des "bots".
Les bots sont des logiciels informatiques réalisant des tâches automatisées, présents depuis longtemps dans l'ombre du web, que ce soit pour scanner les pages référencées par les moteurs de recherche ou transformer des ordinateurs en zombies lors de cyber-attaques.
Mais une espèce particulière fait le buzz aujourd'hui: les "chat bots" --qui pourrait se traduire "discussion robotisée"--, rendus interactifs par une touche d'intelligence artificielle pour simuler une conversation avec un être humain sur une messagerie ou un réseau social --et ainsi vendre des services, vêtements ou autres billets d'avions.
Messenger, la messagerie instantanée à 900 millions d'utilisateurs de Facebook, vient de leur ouvrir grand ses portes.
Ils se sont déjà invités chez les rivales WeChat, Telegram ou plus récemment Kik.
Microsoft a aussi lancé l'offensive fin mars, son patron Satya Nadella affirmant même que "les bots sont les nouvelles applications" mobiles.
Call-center de l'ère mobile
D'après la société eMarketer, plus de 1,4 milliard de consommateurs ont utilisé une application de messagerie l'an dernier, soit 75% des utilisateurs de smartphones dans le monde. Autant de clients potentiels pour les entreprises qui s'immisceront dans ces conversations.
Les bots sont pour elles comme les centres d'appel des années 1960-70: une technologie pour interagir à grande échelle avec les consommateurs, avance Brian Solis, analyste chez Altimeter.
Il y voit aussi un prolongement de la tendance initiée par des applications comme Uber, qui ont "conditionné les consommateurs à attendre des services qui viennent à eux", avec des transactions simplifiées et hyper-rapides sur smartphones.
L'étape suivante, c'est "le commerce conversationnel et les services de conciergerie", où tout se passe "sans avoir à quitter son application de messagerie préférée".
Les bots représentent "une extension naturelle des comportements existants des consommateurs", renchérit Julie Ask, analyste chez Forrester. "Discuter avec un bot pour faire quelque chose, c'est plus proche de la communication" normale des êtres humains que "tout orchestrer" en jonglant entre plusieurs applications.
Avenir du consommateur hyper-connecté?
Les partisans des bots font d'ailleurs valoir qu'on télécharge et utilise toujours moins d'applications mobiles. "On passe plus de 80% de notre temps dans 5 applications", relève David Marcus, vice-président chargé des messageries chez Facebook.
Il met en avant le caractère instantané, mais aussi la "permanence de l'identité et du contexte" qu'offre une conversation sur messagerie. "Vous n'avez pas à télécharger des choses, à installer, à vous inscrire, à créer un nom d'utilisateur et un mot de passe", énumère-t-il. Références, commandes passées, tickets et changements de dernière minute, "tout est consolidé dans une même conversation".
Autre avantage selon lui: "Quand vous développez un bot pour Messenger, ça marche directement sur toutes les plateformes", que ce soit iOS (pour les appareils Apple), Android (Google) ou un site internet. De plus, la conversation commencée sur le téléphone, peut être poursuivie sur ordinateur.
Les bots peuvent aussi aider les messageries à monopoliser toujours plus du temps passé sur les smartphones, une préoccupation aujourd'hui générale parmi les groupes technologiques.
"Si on regarde le type et le nombre de services que Google, Facebook, Apple ont déployés sur les deux-trois dernières années, ils essayent absolument de dominer les moments mobiles des consommateurs", note Julie Ask.
"Je ne dirais pas que les consommateurs réclament des bots", et beaucoup d'entreprises vont en rester "au stade des essais dans les quelques prochaines années", prévient-elle néanmoins, jugeant qu'une adoption massive nécessitera encore du temps et pas mal d'avancées en termes d'intelligence artificielle.
Les "conversations" des bots restent aujourd'hui souvent limitées, avec beaucoup de réponses formatées et de boutons à cliquer, et pas à l'abri des dérapages, comme l'a montré le chat bot expérimental Tay retiré de Twitter en catastrophe par Microsoft car les internautes lui avaient "appris" des diatribes haineuses ou racistes.
"Les chat bots vont coexister pour l'instant avec les applications et les sites web, mais ils vont vite devenir une norme très populaire chez les consommateurs les plus connectés", ceux qui ont adopté un mode de vie numérique actif, prédit pour sa part Brian Solis.