Tokyo, destination des fans du jeu vidéo rétro

Souvent oubliés dans un débarras, les jeux vidéo de la première époque retrouvent une vie nouvelle à Akihabara, le quartier fou de l'électronique et du manga de Tokyo où se pressent les nostalgiques de Donkey Kong, Pac-Man et tant d'autres.

A Super Potato, un des temples du jeu vidéo rétro, les accros de la console parcourent les rayons encombrés de tout un monde, des figurines de Legend of Zelda aux consoles Sega Megadrive impeccablement emballées, le tout surmonté de jouets Super Mario pendus au plafond.

"C'est notre génération à nous, notre truc à nous", s'enthousiasme Matt, 35 ans, dans le bruit strident des génériques de jeux, crachés par la multitude d'écrans qui tapissent les murs.

"Quand les jeux sur ordinateur ont commencé à sortir, il n'existait rien de pareil", se souvient ce Britannique venu en vacances au Japon entre autres pour acheter des pièces "vintage".

Les jeux "d'époque" ont fait parler d'eux cette année: les anniversaires de Pac-Man et Super Mario ont été l'occasion de grandes fêtes et le film "Pixels", consacré aux jeux vidéo, a rapporté plus de 200 millions de dollars de recettes (177,6 millions d'euros).

Les grands du secteur ont profité de la tendance et Microsoft et Sony, entre autres, ont lancé des produits à destination des joueurs de première génération.

Patrie de Nintendo et Sega, le Japon est depuis longtemps un paradis des amateurs et Tokyo est en train de devenir une plaque tournante des collectionneurs de vieux titres.

Mandarake, un magasin de jeux rétro blotti dans les rues bondées du quartier aux néons multicolores d'Akihabara, a vu le nombre de ses clients étrangers croître fortement ces cinq dernières années, explique un des vendeurs, Kota Atarashi.

"Un grand nombre de nos clients ont entre 30 et 50 ans et ils viennent soit par nostalgie, soit pour agrandir une collection qu'ils avaient commencée plus jeunes", explique-t-il. "Les jeux de la première heure sont plus addictifs et donnent une réelle impression d'accomplissement. Je pense que c'est une des raisons de leur succès".

"Une forme d'art sous-estimée"

Les éditions "vintage" ne représentent encore qu'une petite part du marché mondial des jeux vidéos, estimé à plus de 90 milliards de dollars (environ 80 milliards d'euros) et en forte croissance. Mais les passionnés sont prêts à payer de coquettes sommes pour des pièces rares. Une cartouche de Nintendo World Championship s'affichait par exemple l'an dernier à 100.000 dollars (près de 89.000 euros) sur le site marchand eBay.

Le Musée d'art moderne (MoMA) de New York a commencé en 2012 à collectionner les plus anciens des jeux vidéo et projette d'acquérir des dizaines de titres dans les prochaines années.

Patrick, un graphiste de 27 ans venu d'Australie, dit avoir accumulé une collection d'un millier de jeux. "Pour moi, les jeux sont une forme d'art sous-estimée", dit-il dans la boutique Super Potato. "Avec beaucoup de jeux anciens, il faut utiliser son imagination et ça c'est vraiment cool", lance-t-il.

Pour certains, les jeux sont des madeleines de Proust car ils font revenir d'autres souvenirs. "On allait chez un copain et on jouait. Maintenant les gens restent chez eux sur internet. Ce n'est plus pareil", dit Matt, qui avait une dizaine d'années à l'époque où les jeux vidéo ont commencé à devenir populaires.

Les fabricants ont saisi la vague de nostalgie et commencé à proposer des versions revues de jeux anciens.

D'autres donnent accès à des jeux de la vieille époque sur leurs nouveaux produits. Au Tokyo Game Show mi-septembre, Sony a annoncé que son nouveau service de jeux en streaming, Playstation Now, permettrait d'accéder à des titres comme God of War, créés il y a des années.

Les spécialistes mettent en garde contre l'idée que collectionner les anciens jeux peut être une façon de s'enrichir rapidement.

"Il faut beaucoup de connaissances pour rendre l'activité rentable", explique Jason Moore, du site internet britannique retrogames.co.uk. "Pour chaque jeu rare, il y en a des milliers qui sont pratiquement impossibles à vendre et chaque détail compte: la boîte, l'étiquette...".