Nous avons tous des fantasmes. Ce sont des constructions psychiques imaginaires, plus ou moins conscientes. Source d'excitation qui remonte à notre petite enfance, ils sont ainsi l'expression de désirs archaïques, mais aussi la matrice de nos désirs actuels.
Quels que soient leur mise en scène, le sens profond des fantasmes de chacun est identique. Il est, par exemple, question de désir de fusion, de domination ou de soumission, de désir sadique ou masochiste, de déni de sa spécificité sexuelle, d'exhibitionnisme ou de voyeurisme, de réduction de l'autre à l'état d'objet, de désir homosexuel, de relation triangulaire... Dans ces mises en scène se racontent les jeux et enjeux de notre relation à l'autre, nos désirs de transgression des tabous. Pourtant, ce n'est pas parce que vous fantasmez sur l'idée d'être violée que vous exprimez le souhait de le vivre. Peut-être avez-vous juste du mal à admettre la puissance de votre désir et sa légitimité, et l'idée de contrainte permet de vous déculpabiliser.
Un conflit entre désir et interdits
Nous vivons tous sous le joug d'une instance psychique, le surmoi, sorte de juge intérieur, qui pose, avec plus ou moins de rigidité, limites et règles. Le fantasme est l'exploration imaginaire de la transgression de ces « lois » intimes. Bien sûr, la liberté de chacun de témoigner de ses fantasmes, savamment organisés au travers d'excitants scénarios, reste pleine et entière, et est parfois l'expression d'un jeu entre pudeur et impudeur. Mais de même qu'il existe souvent un écart considérable entre la visualisation de sa rêverie et la crudité des mots pour l'évoquer, l'écart entre notre propre regard et le regard de l'autre sur nos constructions érotiques peut être plus grand encore. Un regard qui s'avère quelquefois douloureux.
Si avoir le sentiment de ne pas posséder de fantasmes rend compte d'un mécanisme de défense, la récurrence tenace d'un même fantasme n'est pas pour autant l'expression de notre liberté sexuelle. Mais, au contraire, une tentative de la réduire à cette seule expression, de chercher à contenir la pulsion sexuelle perçue comme effrayante. En ce sens, vouloir absolument que les fantasmes soient racontés peut traduire le besoin impérieux d'enfermer, de cadrer par des mots ce qui nous effraie, de réduire le pouvoir du pulsionnel pour en reprendre le contrôle.