Selon le rapport annuel de Microsoft, les marges du groupe dans le cloud atteignaient 70% l'an dernier, tandis qu'Amazon, l'autre leader du cloud, a généré 22 milliards de dollars de bénéfice d'exploitation grâce à sa filiale dédié AWS (Amazon Web Services).
"La monétisation du cloud avec (sa filiale) Azure est une poule aux oeufs d'or" pour Microsoft, souligne Dan Ives, de Wedbush Securities. "On parle de 20, 30 voire 40 milliards de dollars par an à terme si le pari sur l'IA se révèle payant."
Pour l'analyste, le directeur général de Microsoft Satya Nadella bénéficie d'un délai de grâce de six à neuf mois avant de devoir démontrer que la priorité stratégique à l'IA générative se traduit dans les bénéfices du groupe.
"Nous allons facturer ces nouvelles possibilités en matière d'IA", a déclaré le mois dernier la directrice financière de Microsoft, Amy Hood, "et au final, faire croître le bénéfice opérationnel" (le bénéfice avant intérêts et impôts).
"L'entraînement (des modèles d'IA) et de ChatGPT va devenir un service de cloud très important à l'avenir", prévoit Tenry Fu, directeur général de Spectro Cloud, spécialisé dans l'optimisation de l'informatique à distance.
Mais après cette phase de mise au point adaptée à des besoins spécifiques, "la société aura son propre modèle" et sa dépendance vis-à-vis des incontournables du cloud devrait diminuer, assure-t-il.
Les régulateurs américains suivent de près la structuration de ce marché encore balbutiant.
Selon une estimation du cabinet SemiAnalysis, ChatGPT, l'interface superstar d'OpenAI lancée en novembre, englouti environ 700.000 dollars par jour en coûts de fonctionnement.
Selon le site The Information, Sam Altman, le patron d'OpenAI, qui a perdu 540 millions de dollars l'an passé, a évoqué des levées de fonds atteignant 100 milliards de dollars dans les années à venir pour financer le développement de la jeune firme californienne.
"Nous allons être la start-up la plus gourmande en capital de l'histoire de la Silicon Valley", a récemment déclaré le dirigeant lors d'une table ronde.
Google, Microsoft, avec l'aide d'OpenAI ou Meta, ont déjà investi des milliards pour bâtir leurs propres interfaces d'intelligence artificielle (IA) générative, c'est-à-dire capables de générer du contenu sur demande en langage courant.
"Les gens ne réalisent pas que l'IA comme ChatGPT nécessite une puissance de calcul énorme", explique Jack Gold, analyste indépendant. "Combien d'entreprises peuvent se permettre d'acheter 10.000 unités H100 de Nvidia ?" - des processeurs graphiques (GPU) très demandés pour l'IA, dont le prix oscille autour de 30.000 dollars pièce -, demande-t-il.
Se dessine de plus en plus clairement un univers dans lequel seule une poignée de compagnies dispose de la surface financière pour construire, de toutes pièces, un modèle d'intelligence artificielle générative susceptible de rivaliser avec les interfaces existantes.
Les autres n'ont d'autre choix que d'utiliser la technologie et les capacités de ces colosses, comme ils le font déjà pour l'informatique à distance (cloud), devenue une rente pour Microsoft, Google ou Amazon.
IA et cloud se rejoignent d'ailleurs et sont susceptibles d'augmenter la dépendance des entreprises, dont les besoins en informatique à distance vont monter en charge pour créer des déclinaisons adaptées à leurs besoins de grands modèles d'intelligence artificielle générative.
"Poule aux oeufs d'or"
Le coût d'utilisation du cloud est déjà "un problème très sous-estimé par beaucoup de sociétés" et il pourrait encore s'amplifier avec l'IA générative, avance Stefan Sigg, responsable produits chez l'éditeur de logiciels Software AG.
"En tant que régulateurs, nous devons nous assurer que ces opportunités pour de nouveaux entrants ne soient pas anéanties par les géants du secteur", a plaidé récemment la présidente de l'Autorité américaine de la concurrence, Lina Khan, sur la chaîne CNBC.
"Il est tout à fait exact que le nombre d'entreprises qui vont pouvoir développer les modèles les plus innovants va être limité, simplement du fait des ressources nécessaires", a admis Sam Altman lors d'une audition au Congrès, mardi.
"Dès lors, a-t-il ajouté, il est nécessaire que nous et nos concurrents soyons l'objet d'une surveillance inouïe."