Un "coup dans le dos", une "grave" remise en cause de la parole donnée, une "incompréhension totale"...

Jeudi 16 septembre, les ministres des Armées et des Affaires étrangères, Florence Parly et Jean-Yves Le Drian, ont vivement dénoncé la rupture par l'Australie d'un gigantesque contrat passé auprès de la France pour la livraison de sous-marins conventionnel. Ce contrat, parfois qualifié de "contrat du siècle" pour l'industrie de défense française, portait sur l'achat de 12 sous-marins à propulsion conventionnelle à l'entreprise Naval Group, pour un montant estimé actuellement à 56 milliards d'euros.

"Je suis en colère, ça ne se fait pas entre alliés", a fustigé le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian sur France Info. "C'est vraiment un coup dans le dos", a-t-il regretté. "Nous avions établi avec l'Australie une relation de confiance, cette confiance est trahie", a poursuivi le ministre, exprimant "beaucoup d'amertume sur cette rupture". "Il va bien falloir une clarification, il faut que les Australiens nous disent comment ils s'en sortent", a souligné Jean-Yves Le Drian, estimant qu'"on n'en est pas à la fin de l'histoire".

Florence Parly a dénoncé sur RFI "une très mauvaise nouvelle pour le respect de la parole donnée". "En matière de géopolitique et de politique internationale, c'est grave", a-t-elle ajouté. La ministre a également indiqué que la France "allait étudier toutes les voies" pour "limiter le plus possible les conséquences de cette remise en cause d'un contrat tout à fait majeur"

Les deux ministres français n'ont pas non plus mâché leurs mots vis-à-vis du président américain Joe Biden, accusé de piétiner ses alliés. "Cette décision unilatérale, brutale, imprévisible ressemble beaucoup à ce que faisait monsieur Trump", l'ancien président américain, a fustigé Jean-Yves Le Drian.

"On a appris brutalement par une déclaration du président Biden que voilà, le contrat qui était passé entre la France et les Australiens s'arrête, et puis les Etats-Unis vont proposer une offre nucléaire, dont on ne connaît pas le contenu, aux Australiens", a pointé le chef de la diplomatie française. "Nous parlions de tout cela avec les Etats-Unis il y a peu de temps et là, voilà cette rupture. C'est assez insupportable", a-t-il martelé. "Nous sommes lucides sur la manière dont les Etats-Unis considèrent leurs alliés et leurs partenaires", a pour sa part estimé Florence Parly.

Du côté de Naval Group, la CGT a exprimé jeudi une "déception modérée". "C'est une déception modérée parce qu'on avait un enthousiasme modéré lors de la signature du contrat. Le risque était connu", a expliqué à l'AFP Vincent Hurel, secrétaire général de la CGT Naval Group à Cherbourg. "On attendait la mise en œuvre. Tout ne roulait pas parfaitement", a ajouté le syndicaliste, qui s'est dit "déçu mais pas surpris".

"L'échec de ce contrat aura des conséquences industrielles très modérées parce qu'il n'était pas assez avancé", a ajouté Vincent Hurel. "On espère que ce retour d'expérience va faire réfléchir notre direction sur une stratégie sur la vente d'armes", a-t-il poursuivi. Selon lui, 500 emplois sont actuellement occupés dans des activités liées à ce contrat, ainsi qu'une "grosse centaine d'Australiens". Il a dit souhaiter que Naval Group "se recentre sur ses activités de la marine nationale" et "qu'on cesse cette construction capitalistique sur tout ce qui peut rapporter du profit".

Le français Naval Group avait été sélectionné en 2016 par Canberra pour fournir 12 sous-marins à propulsion conventionnelle (non nucléaire) dérivés des futurs sous-marins nucléaires français Barracuda. D'un montant de 50 milliards de dollars australiens (31 milliards d'euros) à la signature, la valeur de ce contrat est estimé actuellement à 90 milliards de dollars australiens (56 milliards d'euros) en raison de dépassement de coûts et d'effets de change.

L'Australie va se tourner vers des technologies américaines et britanniques pour construire des sous-marins à propulsion nucléaire. "La décision que nous avons prise de ne pas continuer avec les sous-marins de classe Attack et de prendre un autre chemin n'est pas un changement d'avis, c'est un changement de besoin", a expliqué jeudi le Premier ministre australien Scott Morrison.

Ce choix s'inscrit dans un nouveau pacte de sécurité annoncé entre les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie dans la zone indo-pacifique.