Ce fonctionnaire à la retraite fait partie des dizaines de milliers de musulmans qui tentent de participer au pèlerinage annuel dans la ville sainte sans autorisation, selon les autorités et les agences de voyage.

Les pèlerins clandestins savent qu'ils peuvent être arrêtés et expulsés du pays s'ils sont repérés, un risque qu'ils sont cependant prêts à prendre pour réaliser leur rêve.

"Cela fait plus de dix ans que je cherche à obtenir le permis du hajj en Egypte, mais je n'ai pas eu de chance", raconte Mohammed à l'AFP, en référence aux autorisations accordées par le royaume aux différents pays sur la base de quotas, puis attribuées en Egypte par tirage au sort.

Même s'il avait obtenu le précieux sésame, le voyage lui aurait coûté au moins 175.000 livres égyptiennes (environ 3.700 dollars), une somme au-dessus de ses moyens.

Mohammed a donc opté pour un visa touristique pour l'Arabie saoudite, et payé 3.500 riyals saoudiens (933 dollars) à un agent de voyage pour être logé près du mont Arafat, où le prophète Mahomet aurait prononcé son dernier prêche.

Se nourrissant uniquement de boîtes de conserves ramenées d'Egypte, Mohammed passe ses journées enfermé dans l'appartement, avec sept autres personnes, en se préparant aux rituels religieux qui débutent le 14 juin.

Risque de bousculade

"Je suis préparé à toutes les difficultés. Il fait chaud. Je vais boire beaucoup d'eau" dit-il. "Je vais accomplis le hajj, c'est le plus important".

Le hajj est l'un des cinq piliers de l'islam et doit être accompli au moins une fois par tous les musulmans qui en ont les moyens.

Il consiste en une série de rites accomplis sur quatre jours à La Mecque et dans ses environs, dans l'ouest de l'Arabie saoudite, et représente avec la omra -le petit pèlerinage pouvant être effectué toute l'année- une importante source de revenus pour la monarchie pétrolière.

L'année dernière, la ville sainte a accueilli plus de 1,8 million de fidèles pour le hajj, selon les autorités.

A ce nombre, s'ajoutait "environ 100.000 pèlerins en situation irrégulière", indique un responsable de la sécurité sous couvert d'anonymat, le gouvernement ne communiquant pas sur l'ampleur du phénomène.

"Les fouiller tous? Impossible", affirme de son côté un agent de voyage, qui dit acheminer au mont Arafat une centaine de bus durant le hajj.

La gestion des foules lors de ce grand rassemblement s'est révélée périlleuse dans le passé, notamment en 2015, lorsqu'une bousculade a fait environ 2.300 morts.

Selon un responsable du ministère saoudien du Hajj et de la Omra, c'est la crainte d'une nouvelle catastrophe qui a poussé les autorités saoudiennes à prendre des mesures sévères à l'encontre des pèlerins clandestins.

"L'espace à La Mecque est très limité. La présence illégale d'un grand nombre de personnes gêne la gestion des foules (...) et peut provoquer des bousculades", affirme ce responsable, qui a requis l'anonymat.

Outre l'expulsion, les pèlerins contrevenants et ceux qui les transportent encourent une amende de 10.000 riyals saoudiens (2.666 dollars).

"Pêcheurs"

Au moins 20 personnes ont été arrêtées ces dernières semaines pour des "fraudes" liées au hajj, la plupart Egyptiens, selon les médias d'Etat.

Les autorités ont également lancé une campagne sous le slogan "pas de hajj sans permis", tandis que le Conseil des oulémas, la plus haute autorité religieuse du pays, a qualifié les pèlerins clandestins de "pêcheurs".

Mais ces mesures n'ont pas permis d'éradiquer le phénomène, d'autant que le visa touristique introduit en 2019 a largement facilité l'accès au royaume.

Cette année, le pèlerinage devrait se dérouler dans des conditions éprouvantes, sous des températures dépassant les 45 degrés Celsius.

Sans accès aux tentes climatisées des campements officiels, les pèlerins clandestins sont particulièrement exposés aux coups de chaleur, certains d'entre eux dormant au bord de la route.

"C'était très difficile. Pas de services, pas de lits, pas d'air conditionné, pas de salles de bains", se souvient Ayman, un Egyptien de 37 ans ayant effectué le hajj sans permis l'année dernière.

"Et il fallait se concentrer sur les moyens d'échapper aux forces de sécurité au lieu de se concentrer sur les prières".