Guy Béart, décédé à l'âge de 85 ans, se voyait comme un troubadour "rêveur" et n'avait qu'un seul souhait: que ses chansons demeurent dans le folklore français.
"J'ai toujours voulu être un anonyme et que les oeuvres demeurent. C'est ce qui se passe d'ailleurs: beaucoup de gens connaissent mes chansons sans savoir que c'est moi qui les ai faites", disait l'auteur de "L'eau vive", la ballade qui l'a fait connaître en 1958 et que des générations de Français ont apprise sur les bancs de l'école.
C'est évidement cette ode à la liberté que le public de l'Olympia a repris deux fois en choeur en janvier lors du tout dernier concert - quatre heures de chansons ponctuées de duos avec sa fille l'actrice Emmanuelle Béart et Julien Clerc - de celui qui rien ne prédestinait à faire carrière dans la chanson. Un parcours fait de succès mais aussi de longue éclipses.
Né Béhart le 16 juillet 1930 au Caire, ce fils d'un expert-comptable débarque à Paris à l'âge de 17 ans, il étudie au lycée Henri IV avant de se lancer dans des études scientifiques. Mais à peine diplômé, l'ingénieur des ponts et chaussées, spécialiste de l'étude des cristaux et de la fissuration du béton, se balade entre Saint-Germain-des-Prés et la Méditerranée, guitare en bandoulière.
Le jeune homme est copiste de musique, barman, cuisinier, professeur de géométrie dans un lycée de jeunes filles, ouvrier ferrailleur... Le soir, il joue de la guitare chez Michel Valette, un vieil ami du Quartier latin, au cabaret La Colombe. Il se fait remarquer et commence à écrire des chansons pour Zizi Jeanmaire ("Il y a plus d'un an"), Patachou ("Bal chez Temporel"), Juliette Gréco ("Chandernagor"), Yves Montand mais aussi pour Colette Renard, Tino Rossi, Marcel Amont, Maurice Chevalier, Philippe Clay, Marie Laforêt ou Dalida.
Sa rencontre avec le cinéaste François Villiers et l'écrivain Jean Giono marque un tournant dans la vie de Guy Béart qui compose la musique de leur film, "L'eau vive". Du jour au lendemain, il devient un chanteur populaire. Toute la France chante "L'eau vive", comme elle fredonnera plus tard "Qu'on est bien", "Les couleurs du temps", "Il n'y a plus d'après" ou "La vérité".
Altercation avec Gainsbourg
Cet "amoureux du verbe", auteur de plus de 200 chansons et de trois livres, a souvent chanté des textes autobiographiques avec une candeur qui a parfois valu à ce chanteur aux grands yeux bleus d'être taxé de naïf.
Personne n'a ainsi oublié son altercation avec Serge Gainsbourg, en 1986 sur un plateau de télévision, "Gainsbarre" estimant que la chanson n'était qu'un "art mineur" et insultant Guy Béart qui tentait de lui démontrer le contraire.
"Dans mes bouquins comme dans mes chansons, je ne développe pas que des bons sentiments", se défendait Guy Béart. "J'essaie de dire la vérité, sans choquer inutilement". "Je suis quelqu'un de très doux. Je hais la violence. La violence est pour moi un aveu absolu d'incompétence."
Artiste "gai sans amertume", il avouait être "de gauche" quand il méditait mais "de droite" quand il agissait et plaidait pour la tolérance, "la seule chose capable de nous sauver".
Dans son dernier album en date, paru en 2010, celui qui avait combattu un cancer pendant de longues années dans les années 1980 et 1990 portait un regard plus acerbe sur la société actuelle.
Distingué par plusieurs prix, comme le prix Méditerranée, Guy Béart préférait s'en amuser avant de faire ses adieux à la scène: "Je suis très inquiet (...), quand les honneurs pleuvent, c'est que la mort est proche. Et après la mort, c'est pire", riait celui qui avait revendu en 2015 des tronçons d'escaliers de la Tour Eiffel qui ont trôné pendant plus de 30 ans dans son jardin à Garches, près de Paris.