L'adoption lundi 20 mars de la réforme des retraites après le rejet de la motion de censure a provoqué de nombreuses manifestations émaillées d'incidents dans toute la France. A Paris, quelques centaines de personnes, rejointes par des députés de la France Insoumise (LFI), se sont d'abord rassemblées, non loin de l'Assemblée nationale, Place Vauban (VIIe arrondissement), avant d'être canalisées par les forces de l'ordre.

Puis, des feux de poubelles et affrontements avec les forces de l'ordre ont eu lieu dans le quartier de la gare Saint-Lazare (IXe), autour de la place de l'Opéra. Un cortège a ensuite arpenté les rues en renversant des poubelles, suivi par les policiers en moto, tandis que d'autres étaient au Châtelet, non loin de l'Hôtel de Ville. 

La méthode "hongkongaise" 

Renversant sur leur passage trottinettes électriques et vélos, ou mettant le feu à des poubelles, les manifestants ne cherchaient pas la confrontation avec les forces de l'ordre, selon les journalistes de l'Agence France Presse sur place. Ils jouaient plutôt au chat et à la souris. Dans la journée, sur les réseaux sociaux, il était demandé aux manifestants de s'inspirer de la méthode "hongkongaise" consistant à jeter des objets, vélos, poubelles etc. pour barrer les rues. Les forces de l'ordre ont utilisé à plusieurs reprises des gaz lacrymogènes. "On entend que les jeunes ne sont pas mobilisés. Nous voilà. C'est pour les retraites et pour le reste. C'est un tout, une accumulation", a expliqué à l'AFP une étudiante désirant rester anonyme, la manifestation n'étant pas déclarée.

"Arrêtez le massacre" 

Vers 23H00, la situation s'est tendue place de la Bastille et dans les rues adjacentes avec des barricades improvisées de poubelles et de palettes de bois enflammées. "On est là, on est là, la rue est à nous", scandaient les manifestants. Peu avant une heure du matin, les forces de l'ordre sont intervenues pour évacuer la place.

Certains élus ont dénoncé des violences policières. "Arrêtez le massacre", a tweeté la députée LFI Raquel Garrido en repostant une vidéo d'un manifestant frappé par un policier. "De très nombreuses personnes sont actuellement placées en garde à vue de façon arbitraire", a affirmé une autre députée LFI, Sarah Legrain. Selon le dernier bilan de la police, plus de 300 personnes ont été interpellées partout en France, 234 à Paris. 

Un millier de manifestants à Strasbourg  

Les mêmes scènes se sont reproduites dans plusieurs grandes villes de France, comme à Strasbourg, où un gros millier de manifestants se sont d'abord rassemblés place Kléber, en plein centre-ville, sifflant et huant le rejet de la motion de censure avant d'allumer des fumigènes et de scander "nous aussi on va passer en force". Certains manifestants ont ensuite commis des dégradations : façade de banque caillassée, poubelles incendiées, panneaux publicitaires brisés... La préfecture a annoncé six interpellations. "Mon état d'esprit, c'est un dégoût infini, c'est un déni de démocratie dans la forme, sur le fond", a déclaré Giampiero Russo, professeur de sciences économiques et sociales à Strasbourg, avant que le cortège se mette en route.

Neuf interpellations à Lyon

A Dijon, environ 200 personnes ont manifesté, certaines, masquées et souvent cagoulées, scandant : "on déteste la police". La manifestation a été dispersée vers 21H00 et la police a procédé à deux interpellations. A Lyon, environ 500 manifestants, dont beaucoup de jeunes, se sont rassemblés vers 20H30 place Guichard dans le 3e arrondissement et s'en sont pris aux forces de l'ordre avec des jets de projectiles, avant de se disperser en plusieurs groupes dans différents quartiers. La préfecture a fait état de neuf interpellations et un blessé léger parmi les policiers. A Saint-Etienne, la préfecture a recensé quatre interpellations et trois policiers blessés. 

Tensions à Nantes et Rennes 

Les manifestants étaient plusieurs centaines à Lille devant la préfecture, où ils ont sifflé et hué en apprenant le rejet de la motion de censure. "Ça va péter", ont-ils scandé, "Louis XVI on l'a décapité, Macron on va recommencer". "On s'y attendait mais on est déçus, en colère", souligne Emma Maes, une Lilloise de 26 ans. Pour elle "la mobilisation n'est pas finie", elle espère un référendum d'initiative populaire.

A Nantes la manifestation, qui a débuté dans le calme vers 18H00, s'est tendue en milieu de soirée, et des bouteilles ont été jetées sur les forces de l’ordre, qui ont répliqué avec des tirs de gaz lacrymogènes. Même tension à Rennes, déjà secouée par de violentes manifestations ces dernières semaines. Plusieurs centaines de jeunes - entre 300 et 500 selon la préfecture -, ont défilé dans le centre-ville aux cris notamment de "49.3 on n'en veut pas", et des barricades improvisées ont été incendiées. D'autres rassemblements ont eu lieu à Bordeaux, Limoges, Poitiers, ou encore à Rouen ou Brest.