M. Faye , 44 ans, le verbe et l'allure assurés dans un costume-cravate bleu, a prêté serment devant des centaines d'officiels sénégalais et plusieurs chefs d'Etat et dirigeants africains au Centre des expositions de la ville nouvelle de Diamniadio, près de Dakar.
Puis il a regagné la capitale, une garde à cheval ouvrant la voie à son cortège de voitures entre des centaines de Dakarois venus le saluer le long des axes menant aux grilles du palais présidentiel.
Là, son prédécesseur Macky Sall, après de brèves et cordiales salutations, lui a remis symboliquement la clé du siège de la présidence avant d'en franchir les grilles en sens inverse.
Après trois années de tensions et une ultime crise préélectorale en 2024, son avènement accepté de tous à l'issue d'une campagne express "tient presque du miracle", a dit le président du Conseil constitutionnel Mamadou Badio Camara avant de recevoir son serment.
La main droite levée, M. Faye a juré, "devant Dieu et devant la Nation sénégalaise, de remplir fidèlement la charge de président de la République du Sénégal".
Promesse de rupture
Dans une brève allocution, M. Faye s'est dit "conscient" que sa large victoire dès le premier tour de la présidentielle du 24 mars exprimait "un profond désir de changement systémique". "Le Sénégal sous mon magistère sera un pays d'espérance, un pays apaisé avec une justice indépendante et une démocratie renforcée", a-t-il dit.
M. Faye succède pour cinq ans à Macky Sall, 62 ans, qui a dirigé le pays de 18 millions d'habitants pendant 12 années et maintenu des relations fortes avec l'Occident et la France tout en diversifiant les partenariats. Les trois dernières années ont été marquées par des troubles, avec à la clé des dizaines de morts et des centaines d'arrestations.
La promesse de la rupture, l'onction de son populaire mentor Ousmane Sonko, présent aux premiers rangs mardi, et l'apparente humilité de cette personnalité issue d'un milieu modeste et éduqué l'ont conduit à une victoire éclatante avec 54,28% des voix.
M. Faye, haut fonctionnaire de l'administration des impôts, qui a gravi discrètement les échelons dans l'ombre de M. Sonko, a énoncé la baisse du coût de la vie, la lutte contre la corruption et la réconciliation nationale comme ses priorités.
Il a dit mardi entendre "clairement la voix des élites décomplexées qui disent haut et fort notre aspiration à plus de souveraineté, au développement et au bien-être" en Afrique. Il a réitéré à l'attention des partenaires étrangers "l'ouverture du Sénégal à des échanges respectueux de notre souveraineté" dans des partenariats "mutuellement gagnants".
Le programme de M. Faye dit son intention de sortir du franc CFA, de renégocier ou reconsidérer les contrats passés avec des compagnies étrangères pour l'exploitation du pétrole et du gaz qui devrait commencer cette année, ainsi que les accords miniers et de pêche.
Front politique et social
M. Faye, musulman pratiquant, marié à deux femmes présentes à son investiture et père de quatre enfants, incarne une nouvelle génération de politiciens.
Admirateur de l'ex-président américain Barack Obama et du héros sud-africain de la lutte anti-apartheid Nelson Mandela, il se dit panafricaniste "de gauche".
Il veut oeuvrer au retour, dans la Communauté des Etats ouest-africains Cedeao, du Burkina Faso, du Mali et du Niger, pays sahéliens confrontés au jihadisme et dirigés par des juntes qui ont rompu avec la France et se sont tournées vers la Russie. Les régimes putschistes du Mali, du Burkina et de la Guinée ont envoyé leurs représentants à Diamniadio, dont le président guinéen, le général Mamadi Doumbouya.
Le chef du régime militaire burkinabè, le capitaine Ibrahim Traoré, a félicité M. Faye, "symbole d'une nouvelle ère pour une Afrique décomplexée, libre et souveraine". Il a dit sur X être prêt à œuvrer avec lui à "la rénovation de la coopération sous-régionale et internationale".
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a salué cette investiture, "témoignage du combat des Sénégalais pour le droit de voter", a dit son porte-parole Stéphane Dujarric.
Porté au pouvoir par le désir de changement, M. Faye devrait rapidement nommer un gouvernement. Il est particulièrement attendu sur l'emploi, dans un pays où 75% de la population a moins de 35 ans et où le taux de chômage est officiellement de 20%, poussant des jeunes, de plus en plus nombreux, à fuir la pauvreté et à entreprendre un périlleux périple vers l'Europe.