Vladimir Poutine a remporté, selon de premières données dimanche, avec 87% des voix une présidentielle qui avait été calibrée pour garantir son triomphe, en l'absence d'une opposition décimée par la répression et n'ayant même pas pu présenter de candidat.
Ce score fourni à l'issue d'un sondage par l'institut officiel Vtsiom a été annoncé à la télévision d'Etat.
Le suspense était inexistant, et les premiers résultats le confirment. Selon Le Figaro et un sondage réalisé par Vtsiom, un institut étatique, Vladimir Poutine a remporté l’élection présidentielle russe haut la main, recueillant 87.8% des suffrages. Ses trois concurrents pointent tous sous la barre des 5%. Le dirigeant russe restera donc à la tête de la Russie au moins jusqu’en 2030.
Et d'après la commission électorale russe, le maître du Kremlin a réuni 87,97% des voix après le dépouillement des suffrages dans 24% des bureaux de vote. Un record pour celui qui avait toujours recueilli entre 64 et 68% des suffrages aux scrutins précédents.
Le pouvoir avait martelé au préalable que le peuple russe devait être "uni" derrière son leader, présentant le conflit ukrainien comme ourdi par les Occidentaux pour détruire la Russie.
L'assaut contre l'Ukraine, déclenché par le maître du Kremlin en février 2022 et qui n'a pas d'issue en vue malgré ses dizaines de milliers de morts, était quant à lui en toile de fond du vote, d'autant que les attaques sur le territoire russe se sont multipliées cette semaine.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a estimé que M. Poutine était un homme "ivre de pouvoir" qui veut "régner éternellement".
La Pologne a pour sa part jugé que l'élection présidentielle n'était "pas légale, libre et équitable".
En Russie, les autorités n'ont pas laissé de place aux contradicteurs du pouvoir : les trois autres candidats sélectionnés étaient tous dans la ligne du Kremlin, qu'il s'agisse de l'Ukraine ou de la répression qui a culminé avec la mort d'Alexeï Navalny dans une prison de l'Arctique en février.
Dans ce contexte, l'épouse du défunt détracteur n°1 de Vladimir Poutine, Ioulia Navalnaïa, avait appelé ses partisans à se montrer en nombre en allant tous voter au même moment, à midi dimanche, contre le président russe.
"J'ai écrit Navalny"
Elle-même a voté après plusieurs heures d'attente dans une foule immense à l'ambassade de Russie à Berlin.
"J'ai écrit (sur le bulletin de vote) le nom +Navalny+ parce qu'il n'est pas possible (...) qu'un mois avant les élections, le principal opposant à Poutine, déjà emprisonné, soit tué", a-t-elle déclaré à la presse après avoir voté.
A sa sortie de l'ambassade, ses soutiens scandaient "Ioulia, Ioulia, nous sommes avec toi !", a constaté l'AFP. Elle a également qualifié M. Poutine de "tueur" et de "gangster".
Devant de nombreuses autres ambassades russes, des foules importantes sont allées voter à midi à travers le monde, des dizaines de milliers de Russes s'étant exilés depuis le début de l'assaut contre l'Ukraine à cause de la répression et de la peur d'être mobilisés dans l'armée.
L'équipe d'Alexeï Navalny a déclaré que le score obtenu par Vladimir Poutine à la présidentielle russe n'avait "pas de lien avec la réalité".
Par endroits à Moscou, comme à Saint-Pétersbourg, des queues importantes se sont formées à l'heure dite. Mais devant d'autres bureaux de vote, l'affluence ne semblait pas particulièrement élevée.
Dans le quartier moscovite de Marino, devant le bureau où Alexeï Navalny votait naguère, quelques dizaines de personnes ont répondu à l'appel.
"J'ai pu rencontrer quelques personnes, leur parler, et j'ai senti qu'ils pensaient la même chose que moi. Je ne suis pas seule", explique Olga, 52 ans, avant de partir avec son fils pour se recueillir sur la tombe de l'opposant, inhumé dans le quartier.
Dans le cimetière, des dizaines de personnes ont défilé, déposant des fleurs fraîches sur la sépulture ainsi que des bulletins sur lesquels avait été ajouté le nom de Navalny.
Dans l'ensemble, la mobilisation de l'opposition s'est déroulée dans le calme mais l'ONG OVD-Info, spécialisée dans le suivi de la répression, a fait état d'au moins 77 interpellations en Russie pour diverses formes d'actions de protestation électorales.
Frappes et incursions
La porte-parole de la diplomatie russe a quant à elle affirmé que les électeurs allés en masse aux ambassades, comme à Paris, Londres et Berlin, n'étaient pas des partisans de l'opposition.
"Ils sont venus voter, saisissant l'opportunité que leur pays, la Russie, leur a offerte malgré toutes les menaces de l'Occident", a écrit sur Telegram Maria Zakharova.
La semaine électorale a été marquée par des frappes aériennes meurtrières et des tentatives d'incursion terrestre à partir de l'Ukraine sur le territoire russe, répliques aux bombardements et assauts quotidiens de la Russie contre sa voisine depuis plus de deux ans.
Dimanche matin, une adolescente de 16 ans a été tuée dans une attaque aérienne sur la ville de Belgorod, proche de la frontière et très souvent prise pour cible. Dans l'après-midi, une autre personne est morte et 19 ont été blessées dans cette même région.
Et une unité militaire agissant depuis l'Ukraine, le "Bataillon sibérien" a affirmé dimanche matin être entré dans le hameau russe de Gorkovski.
Malgré ces attaques, un conflit meurtrier qui se prolonge et des libertés de plus en plus restreintes, le maître du Kremlin peut compter sur une popularité bien réelle.