Le 8 juin pourrait bien marquer un terme définitif à la bataille de la réforme des retraites : les députés examineront le texte du groupe indépendant Liot, qui prévoit l'abrogation de la retraite à 64 ans. La promesse de difficiles débat pour la majorité, alors que le gouvernement assure que l'adoption du texte ne changera rien.

Malgré la promulgation mi-avril de la réforme contestée, la proposition de loi déposée par Liot, un groupe composite de députés, contribue à maintenir la flamme des opposants, convaincus qu'une adoption de ce texte rebattrait les cartes. "Ce serait un coup de tonnerre", a lancé vendredi la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, qui appelle avec les autres membres de l'intersyndicale à une quatorzième journée d'action le 6 juin.

Mais une adoption du texte de Liot deux jours après ne serait qu'un coup d'épée dans l'eau selon le gouvernement. "C'est assez irresponsable de leur part de laisser croire que leur démarche permettra de revenir sur la réforme des retraites", a jugé jeudi Élisabeth Borne. L'exécutif comme les députés de la majorité martèlent qu'après une éventuelle approbation en première lecture à l'Assemblée, le texte n'irait ensuite pas au bout de son parcours législatif. Et qu'il ne franchirait pas quoi qu'il en soit l'obstacle du Conseil constitutionnel.

Peu importe, réplique le chef du groupe Liot, le député Bertrand Pancher : "Je ne vois pas comment le président de la République peut ne pas faire en sorte de retirer" sa réforme après un tel vote de la représentation nationale. Ce serait "un séisme politique", a-t-il insisté pendant le week-end.

"Le message envoyé par un texte adopté à l'Assemblée serait une catastrophe", admet un député Renaissance, reconnaissant comme nombre de ses collègues que le texte de Liot a de bonnes chances d'être adopté si un nombre suffisant de députés LR joignent leurs voix à celles des autres oppositions, en fonction de la mobilisation des uns et des autres.

Faut-il dès lors chercher à empêcher ce vote, qui ne nécessitera qu'une majorité simple ? La question taraude le camp présidentiel, qui passe en revue ces jours-ci toutes les options sur la table. "On est encore dans une phase de brainstorming", explique un élu Renaissance.

Les trois groupes de la majorité (Renaissance, Modem, Horizons) ont prévu de se réunir mardi pour coordonner leur stratégie. "Je souhaite qu'on prenne une vraie décision collective", insiste Aurore Bergé, la cheffe de file des députés macronistes.

En attendant, ils soupèsent notamment l'argument de l'"irrecevabilité financière", en référence à la règle constitutionnelle qui veut qu'une proposition venant des parlementaires ne peut pas dégrader les finances publiques. "Il y a une vraie ambiguïté dans les textes sur comment le soulever, sur qui peut le faire et à quel moment", explique un cadre de la majorité, qui se heurte au fait que la commission des Finances de l'Assemblée est présidée par le député LFI Éric Coquerel.

Selon ce même cadre, le gouvernement envisage de son côté l'option d'un "vote bloqué" dans l'hémicycle, une procédure qui lui permettrait de faire porter le vote sur un texte modifié par ses soins, afin de le torpiller.

"Il y a bien sûr aussi l'option de l'obstruction parlementaire", ajoute-t-il, c'est-à-dire l'utilisation d'une panoplie de moyens pour éviter le vote en faisant traîner les débats, sachant que ceux-ci devront s'achever quoi qu'il arrive à minuit le 8 juin, sans possibilité de se poursuivre ensuite. Mais la plupart des députés du camp présidentiel y seraient hostiles.

"Le 8 juin, il y aura un vote, on avait déjà dit qu'on voulait aller au vote quand il y a eu le 49.3" déclenché par le gouvernement, assure le député Renaissance Sacha Houlié. Un responsable de la majorité appelle à "complètement banaliser le fait qu'on puisse être battus" et à tout faire pour "décrédibiliser ceux qui portent cette proposition de loi et leur alliance de circonstance".

"Quoi qu'on fasse, il n'y a que des mauvaises solutions", se désole un autre.