Emmanuel Macron se rend jeudi en Pologne, et la nomination interviendra "plutôt à son retour" dans la soirée, a précisé à l'AFP une source au sein de l'exécutif.
Mardi, lors d'une réunion inédite à l'Elysée avec les chefs des communistes, des socialistes, des écologistes, du camp présidentiel et des Républicains, le président de la République avait promis de prendre une décision "dans les 48 heures".
Une fois nommé, le nouveau locataire de Matignon aura la charge de négocier avec les partis (hors RN et LFI) une participation au gouvernement; ou leur soutien à certains textes dont le budget; ou encore, a minima, un accord de "non-censure". Ensuite seulement, il composera son équipe.
Mercredi, en Conseil des ministres, où un projet de loi spéciale sur le budget a été présenté pour éviter la paralysie, Emmanuel Macron a constaté que le "socle" de partis qui soutenait Michel Barnier, réunissant le camp présidentiel et la droite, n'avait pu "en l'état" être élargi.
La veille, il avait souligné "sa volonté de ne pas dissoudre" à nouveau l'Assemblée nationale d'ici à 2027. Et il avait relevé "une unanimité des forces politiques pour ne plus dépendre du Rassemblement national".
La gauche réclame toujours que l'un des siens soit nommé à Matignon et s'est engagée à ne pas utiliser le 49.3 pour faire adopter des lois sans vote si, en échange, les opposants s'engagent à ne pas censurer.
- "Contournement de la Constitution"-
"Un engagement ahurissant, un contournement de la Constitution", a dénoncé Marine Le Pen (RN), "pas mécontente" d'être mise à l'écart. A ce stade, les Français ne semblent pas lui en tenir rigueur si on en croit un sondage Ifop/Fiducial qui lui donne plus de 35% des intentions de vote au premier tour de la présidentielle.
Le président du MoDem François Bayrou, fait toujours partie des favoris pour Matignon, malgré l'hostilité à droite que lui voue l'ancien président Nicolas Sarkozy.
Le socialiste Olivier Faure se montre aussi réticent, estimant que le maire de Pau incarne une "continuité" du macronisme. Il est cependant resté évasif sur l'attitude de son parti si Emmanuel Macron nommait le centriste.
"Il faudra que nous ayons ensuite une discussion avec celui ou celle qui sera nommé", a-t-il dit. "Quelle que soit la situation", il faut que "nous puissions arracher des victoires pour les Français".
De quoi alimenter le procès en trahison déjà lancé par Jean-Luc Mélenchon. "Pas d'accord de coalition ! Pas de +non-censure+. Revenez à la raison et à la maison !", a lancé le leader des Insoumis.
Ceux qui ne voteront pas la censure de la prochaine équipe "seront de fait des soutiens du gouvernement", a abondé la cheffe de file des députés LFI Mathilde Panot.
"Plus Jean-Luc Mélenchon crie, moins on l'entend", a rétorqué Olivier Faure, accusant La France insoumise d'"affaiblir le collectif" par sa "politique de la chaise vide".
Les noms des ministres macronistes Catherine Vautrin et Sébastien Lecornu circulent aussi pour Matignon.
Et plusieurs socialistes, dont l'ex-chef de l'Etat François Hollande, ont exprimé leur soutien à l'ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve.
Cette attente, une semaine après la censure, laisse les Français inquiets (32%), "en colère" (30%), et lassés (24%), selon un sondage Elabe pour BFMTV. Une large majorité d'entre eux (69%) se déclare favorable à un accord de "non-censure", mais ils sont presque tout autant (67%) à ne pas croire en la capacité des partis à s'entendre.
- Loi spéciale consensuelle -
Le nouveau Premier ministre aura pour tâche prioritaire de reprendre la difficile rédaction d'un budget pour 2025, laissée en suspens après la censure.
La loi spéciale, présentée en Conseil des ministres, n'est en effet composée que de trois articles pour principalement autoriser le gouvernement à lever les impôts et dépenser les crédits sur la base du budget 2024.
Son adoption ne fait guère de doute après son examen lundi à l'Assemblée nationale, puis le 18 décembre au Sénat.
La gauche entend toutefois l'amender pour s'assurer que le barème de l'impôt sur le revenu soit bien indexé sur l'inflation, afin d'éviter qu'un grand nombre de Français voient leur pression fiscale monter.
Mais, le Conseil d'Etat estime que cette disposition n'a pas sa place dans une loi spéciale et devra donc être adopté dans le cadre du budget 2025, avant les déclarations de revenus faites au printemps.
Avec un déficit qui risque de dépasser les 6% du PIB en 2024, "la dette financière est une réalité qui s’imposera à tout gouvernement, quel qu’il soit", a mis en garde Michel Barnier en Conseil des ministres, selon des participants.