Le CSM, organe constitutionnellement chargé de protéger l'indépendance de la justice, avait reçu mardi les chefs du tribunal de Marseille, qui avaient été réprimandés mi-mars par le ministre après leurs propos devant la commission d'enquête sénatoriale sur la lutte contre le trafic de drogues.

En marge du déplacement à Marseille avec le chef de l'Etat Emmanuel Macron le 19 mars pour lancer les opérations anti-drogues "place nette XXL", des magistrats marseillais avaient raconté au Figaro s'être pris en privé "une soufflante" de la part du ministre, furieux contre des propos tenus durant leurs auditions devant la commission sénatoriale. 

Les magistrats y auraient selon le ministre tenu des propos emprunts de "défaitisme" et faisant "le jeu du RN", en disant notamment devant la commission craindre d'être "en train de perdre la guerre contre les trafiquants à Marseille".

"A la suite de critiques émises", est-il écrit dans le communiqué du CSM dans lequel Eric Dupond-Moretti n'est pas nommé, "le Conseil supérieur de la magistrature rappelle que les magistrats, comme toutes les personnes entendues sous serment par une commission d'enquête parlementaire, sont tenus de +dire toute la vérité et rien que la vérité+ et en conséquence à une obligation de sincérité".

"Leur reprocher des propos tenus dans ce cadre est de nature à porter atteinte tant à leur liberté d'expression qu'à la séparation des pouvoirs", poursuit le CSM dans ce rare rappel à l'ordre.

"Le CSM entend manifester son entier soutien à tous les acteurs judiciaires engagés dans la lutte contre le narcotrafic, dont l'efficacité suppose que les magistrats exercent leur activité en toute sérénité, sans que leur autorité et leur crédibilité ne soient affectées", affirme aussi le communiqué.

Le recadrage d'Eric Dupond-Moretti avait ému la magistrature, et même le rapporteur de la commission d'enquête parlementaire, le sénateur LR Etienne Blanc, qui avait interpellé le ministre sur le sujet lors des questions au gouvernement, fin mars. 

"Je l'assume totalement", avait rétorqué le garde des Sceaux lors de cet échange houleux au Sénat. Les magistrats "sont libres de leur parole", "mais le ministre l'est aussi dans son expression (...) je ne retire rien des propos que j'ai tenus", avait-il déclaré.