Le Premier ministre a annoncé la mise en place d'un groupe de travail sur le sujet, alors que l'opportunité d'augmenter les impôts pour redresser les finances publiques divise le camp présidentiel.
"On va trancher ce débat ensemble, car on ne doit pas subir, mais on doit être à l'offensive" pour "avancer de manière coordonnée, cohérente", a expliqué le chef du gouvernement devant le groupe Renaissance à l'Assemblée nationale, selon des propos rapportés par Matignon. Il a souhaité que "toute la majorité soit associée" à ce travail qui sera mené par Jean-René Cazeneuve, rapporteur du Budget.
Gabriel Attal avait déjà entrouvert la porte la semaine dernière à cette idée de taxation. Il avait affirmé sur TF1 ne "jamais (avoir) eu de dogme sur le sujet" des superprofits, mais en refusant de toucher à deux "lignes rouges": les classes moyennes et les entreprises.
Il s'agit de différencier "la richesse qui crée de l'emploi" et celle "qui stagne", explique un conseiller de l'exécutif.
La taxation s'appliquerait dès le budget 2024 -ce qui supposerait une loi rectifiant ce budget (PLFR)- et ne serait pas limitée aux énergéticiens. Elle pourrait porter sur les loyers perçus, les revenus boursiers, l'assurance vie ou encore l'impôt sur la fortune immobilière (Ifi).
"Pas d'accord"
Gauche et droite ont aussitôt critiqué l'initiative. "On ne rajoute pas des impôts aux impôts lorsqu'on détient le record du monde des prélèvements obligatoires", a fustigé le patron des Républicains Eric Ciotti, qui menace de censurer le gouvernement sur sa gestion des finances publiques.
"Au lieu de ces artefacts, l'exécutif doit soumettre un PLFR (projet de loi de finances rectificatif) à l'Assemblée", a demandé le président insoumis de la commission des Finances, Eric Coquerel, en rappelant comme le député PS Arthur Delaporte qu'il y a "des solutions déjà sur la table" des oppositions.
Gabriel Attal entend surtout répondre aux inquiétudes de la majorité, dont l'aile gauche est très remontée contre la nouvelle réforme de l'assurance chômage, qui pourrait se faire par décrets, sans passer par le parlement.
Le Premier ministre a redit "assumer" une telle réforme mais la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a exprimé des réserves, tout comme le président de la commission des Lois Sacha Houlié, pour qui réduire la durée d'indemnisation n'est "pas la bonne voie", "alors même qu'on constate que le chômage ne baisse plus".
"Quand je t'entends dire qu'il ne faut pas réformer parce que le chômage stagne, je ne suis pas d'accord", lui a répondu mardi Gabriel Attal, en défendant une réforme "de productivité et de prospérité": "on veut financer les services publics et les Ehpad" et pas "augmenter encore la franchise médicale".
"Très ferme"
Le député Mathieu Lefèvre, tenant de l'aile droite de la majorité, a défendu lui aussi la "nécessité" de modifier de nouveau les conditions de l'assurance chômage car "340.000 emplois sont non pourvus".
"Attal a été très ferme" parce que l'opposition à la réforme, plébiscitée par les Français selon un sondage interne commandé par l'exécutif, n'est "pas très structurée", avance un autre élu de l'aile droite.
Mais un député Horizons prédit que "ça va être compliqué" pas seulement chez Renaissance. "Ca risque de l'être dans toute la majorité, y compris chez moi".
Jean-Marc Zulesi, tendance aile gauche de la macronie, suggère, lui, d'attendre "de voir ce qui sort de (la) discussion" des partenaires sociaux qui gèrent l'Unédic, mais juge nécessaire d'avoir un "signal de l'autre côté, sur la taxation des superdividendes et la lutte contre les rentes".
"Ce n'est pas la première fois que des réformes d'inspiration libérale créent du frottement dans la majorité", a balayé un proche d'Emmanuel Macron. "Au Premier ministre de faire en sorte que ce soit compris et accepté".
Mais, a-t-il insisté, "ce n'est pas une approche comptable (...) augmenter l'activité ça permet d'augmenter les recettes et donc réduire le déficit".
Cette réforme intervient au moment où l'exécutif cherche partout à faire des économies après le dérapage inédit du déficit à 5,5% en 2023.
Gabriel Attal a redit mardi toujours vouloir le ramener à 3% en 2027 et rappelé que le gouvernement donnerait la semaine prochaine "la trajectoire" pour atteindre cet objectif.