Un match de Ligue 2, Nancy-Le Mans, arrêté quelques minutes par l'arbitre le 16 août, des speakers qui avertissent les tribunes en Ligue 1: la lutte pour chasser les expressions homophobes des gradins s'est nettement renforcée depuis le début de la saison.

 

Mercredi, la commission de discipline de la Ligue de football (LFP) se penche sur 18 incidents liés à des chants injurieux et/ou homophobes, notamment lors de Nancy-Le Mans. La liste ne comprend pas ceux du week-end dernier, comme Monaco-Nîmes.

La ministre des Sports, Roxana Maracineanu, a salué la fermeté des arbitres, elle qui a fait de ce thème un cheval de bataille après avoir assisté dans les tribunes à un PSG-OM particulièrement fleuri le 17 mars.

A l'époque, la partie ne semblait pas gagnée, entre une présidente de la LFP, Nathalie Boy de la Tour, qui promettait d'agir mais qui mettait en avant "le folklore" des supporteurs, et un patron de la fédération, Noël Le Graët, qui condamnait l'homophobie mais taclait la ministre dans Le Figaro: "elle n'a pas l'habitude de venir au stade, c'est vrai que dans les piscines on n'entend pas ce qu'il se dit".

Six mois plus tard, "tous les astres sont alignés, on n'est jamais allé aussi loin dans le foot pro", se félicite le président d'un club luttant contre l'homophobie, le PanamBoyz & Girlz United, Bertrand Lambert, qui salue le travail de la LFP.

- Surenchère -

Mais cette fermeté provoque une colère redoublée des ultras, lassés d'être considérés comme "des beaufs avinés et incapables de réfléchir", alors qu'ils dénoncent eux-mêmes de manière récurrente la multiplication des interdictions de se déplacer pour des raisons de sécurité, comme le rappelle à l'AFP James Rophe, porte-parole de l'Association nationale des supporteurs (ANS).

Pour le sociologue Nicolas Hourcade, spécialiste du sujet et membre de l'Instance nationale du supportérisme (INS), qui met tous les acteurs autour de la table, il y a un sérieux problème de méthode.

"Du jour au lendemain, on impose des interruptions et on menace d'arrêter les matches, sans définition claire de ce qui est interdit, et sans dialogue préalable avec les clubs et les associations de supporteurs", souligne le professeur à l'école Centrale de Lyon, "alors que le recours à l'insulte est légitime pour les supporteurs ultras".

"Si on prenait la peine d'expliquer que même sans intention homophobe, certains chants historiques peuvent blesser ou contribuer à renforcer les discriminations que subissent de jeunes homosexuels, ce serait compris et cela permettrait à tout le monde de sortir par le haut", ajoute Pierre Barthélemy, un avocat qui traite de nombreux dossiers de supporteurs.

"De leur point de vue, on ne cherche pas à lutter contre l'homophobie, on cherche à les écarter et à les faire taire", résume Nicolas Hourcade, qui relève, du coup, une recrudescence des "La Ligue on t'encule" dans les stades. Et s'attend à une surenchère de banderoles provocatrices.

Certaines sont déjà apparues dans les travées ce week-end, parfois polies ("Roxana tu nages à contre-courant"), parfois plus radicales ("Roxana, LFP: sac à merde c'est une insulte?").

Directement visée, la ministre veut rester ferme. "Pour moi, la liberté qui compte concernant les supporteurs, c'est plutôt la liberté de se déplacer, de pouvoir supporter leur équipe", a-t-elle plaidé lundi, en promettant "d'entamer le chantier dès que possible" avec son collègue de l'Intérieur, Christophe Castaner. "L'autre liberté qui m'importe, c'est celle" des homosexuels, "qui ne doivent pas avoir à assumer devant leur famille ou leurs proches le fait que cette orientation sexuelle fasse le sujet d'injures quand ils sont dans la rue, devant leur télé, dans un stade de football", a-t-elle ajouté.

D'après elle, "la langue française est assez fournie en injures (...) si toutefois on pense que c'est indispensable d'injurier l'équipe adverse pour supporter sa propre équipe".