Elle est parfois surnommée "Miracle" en référence à son prénom: Mikuru Suzuki est devenue la première joueuse d'Asie à remporter un titre mondial aux fléchettes. Et elle compte bien en collectionner d'autres.
En janvier, cette Japonaise de 37 ans a créé la sensation en s'imposant en finale dans le championnat organisé par la British Darts Organisation (BDO) face à la Britannique Lorraine Winstanley.
Elle savoure depuis sa nouvelle célébrité. "J'ai réellement commencé à en prendre conscience à mon retour au Japon", confie-t-elle dans un entretien à l'AFP. "Des fans m'attendaient à l'aéroport, brandissant une banderole".
"C'est là que cela m'a frappée, la portée de ce que j'avais accompli", dit-elle. "Maintenant, on connaît mon nom même à l'extérieur du Japon."
Mikuru Suzuki a conquis ce titre de championne de "darts" -- les fléchettes en français, mais les adeptes de la discipline usent généralement du nom anglais -- au terme d'une semaine magique au Lakeside Country club (Camberley, sud de Londres).
Adresse, stratégie... les plus enthousiastes l'ont même comparée à la légende de la discipline, l'Anglais Phil Taylor, alias "The Power", champion du monde à 16 reprises et qui a dominé le secteur pendant près de trois décennies, engrangeant des millions d'euros de gains.
"Je trouve que c'est un peu exagéré...", rit-elle à l'évocation de cette comparaison. "Phil Taylor est un dieu dans le monde des darts".
- Faim de requin -
Côté look, rien à voir avec celui de l'Anglais aux avant-bras tatoués. Avec ses cheveux blonds peroxydés, ses Dr Martens roses au pied, ses ongles noirs et décorés aux couleurs de son maillot de compétition, Mikuru Suzuki détonne quand elle s'élance sur le pas de tir aux sons entêtants de la comptine "Baby shark" (bébé requin).
Elle a démarré sur le tard, à 26 ans, dans ce jeu souvent associé aux bars enfumés et aux parties conviviales entre amis autour de quelques bières. Avant de se lancer, elle travaillait dans un magasin de vêtements et de cosmétiques.
"Au début, j'étais vraiment nulle, je n'arrivais pas à comprendre pourquoi la fléchette ne partait pas où je voulais", raconte cette joueuse pétillante, originaire de l'île de Shikoku (sud-ouest du Japon). "Mais c'est ça qui m'a rendue accro, je voulais absolument faire voler les fléchettes droit vers la cible. Et je n'aurais jamais pensé à l'époque que je deviendrais pro".
Quand elle s'est décidée à franchir le pas, sa famille ne s'est pas vraiment réjouie. "Mes parents ont dit: +Hein?+, ils s'inquiétaient que je ne gagne pas assez d'argent pour vivre", raconte-t-elle. "Et pendant un moment, je n'ai rien gagné".
Son point fort ? Etre capable d'une concentration extrême, dit-elle. "Je suis douée pour faire le vide dans ma tête. Quand je suis par exemple énervée, j'arrive facilement à contrôler mes émotions."
Dix ans plus tard, Mikuru Suzuki se classe au troisième rang des classements de la fédération mondiale, mais au Japon ce sport reste confidentiel, avec seulement 1.600 joueurs professionnels, dont moins de 350 sont des femmes.
"Les fléchettes ont une image beaucoup plus cool maintenant. J'aimerais inspirer d'autres femmes au Japon et je suis sûre qu'on va en voir de plus en plus en Asie", dit-elle.
"Etre championne du monde est spécial mais je ne veux pas me contenter d'un seul titre, je veux en gagner plus", lance l'ambitieuse Japonaise, rêvant de rester dans le coup "pendant encore 20 ans".