Sa longiligne silhouette avait disparu il y a deux ans des terrains du Top 14. Cyril Lafon était alors parti une année mener ses travaux en Virginie: arbitre le weekend, ce Lyonnais d'adoption dirige le reste du temps un laboratoire de recherche médicale.

"Comme chercheur, on a toujours la possibilité de bouger, d'apprendre. J'ai toujours privilégié ma carrière professionnelle et je suis reconnaissant au corps arbitral de ne m'en avoir jamais tenu rigueur", souligne M. Lafon, rencontré par l'AFP dans son labo lyonnais.

Depuis début 2016, il dirige une unité de recherche de l'Inserm, le laboratoire LabTAU, spécialisé dans les applications des ultrasons dans le domaine thérapeutique.

Un labo "à taille humaine" d'environ 70 personnes, axé sur la valorisation industrielle de ses recherches et qui a donné naissance à plusieurs sociétés, dont EDAP TMS, cotée à la Bourse de New York.

Ce jour là, il est aux côtés d'un thésard travaillant sur l'utilisation des ultrasons pour faciliter la diffusion dans le cerveau de molécules agissant contre le glioblastome (une tumeur cérébrale).

"Ma chance ici, c'est qu'on a pas d'horaire", relève-t-il, pour expliquer qu'il ait pu concilier son métier avec sa passion pour le rugby.

Chez les arbitres, "chacun gère son entraînement à titre individuel". "Moi, c'est deux fois par semaine. Beaucoup de fractionné. Un arbitre de foot fait des efforts plus réguliers. Nous, on doit souvent sprinter".

"Après chaque match, on fait une autoévaluation que l'on compare à celle de notre coach/évaluateur". "Quand on est arbitre, il faut prendre ses responsabilités mais aussi admettre qu'on peut se tromper...".

Ce qui implique "pas mal d'analyses vidéo". "J'y passe environ 5 heures par match". Mais "le plus contraignant, ce sont les stages" réunissant le gratin arbitral français: un par mois. Pour faire converger les pratiques dans un sport aux règles complexes où l'arbitre joue un rôle crucial.

Parmi la quinzaine d'arbitres officiant régulièrement en Top 14 - certains professionnels, d'autres semi-pro. Cyril Lafon appartient au petit contingent de purs amateurs. Défrayés et modestement rémunérés: 550 euros par match pour un arbitre de champ - 180 euros pour un arbitre de touche.

Une enfance briviste 

M. Lafon assure une dizaine de matches par an, comme arbitre de champ ou juge de touche, le plus souvent comme assistant de Romain Poite, l'un des meilleurs arbitres français. Il a aussi régulièrement dirigé des rencontres internationales de deuxième niveau, comme le Tournoi des 6 nations B ou la Coupe d'Afrique de rugby. Et deux fois la finale de Pro D2.

Cet ingénieur de formation né en Haute-Vienne dans une famille très rugby, a grandi près de Brive, l'une des places fortes historiques du ballon ovale en France.

Il pratique à bon niveau, jouant en Crabos (-19 ans) avec le CA Brive Rugby, puis avec le Stade Clermontois quand ses études le conduisent dans la capitale auvergnate. Il part ensuite à Montréal, ce qui lui vaut son "unique ligne à son palmarès de joueur: champion de 3e division du Québec", s'amuse-t-il. "C'était folklorique !". Il finit par atterrir à Lyon pour sa thèse et joue avec les espoirs du LOU.

Mais l'arbitrage l'intéresse aussi. Il se retrouve lauréat du concours du jeune arbitre dès 1996.

La recherche l'amènera plus tard à Seattle pendant deux ans, lui donnant la maîtrise de l'anglais - une qualité dans le Top 14 d'aujourd'hui.

A bientôt 45 ans, Cyril Lafon vit sa dernière saison au sifflet, limite d'âge oblige. Il se réjouit d'avance que la tradition permette aux prochains "retraités" de choisir leurs derniers matches.

"On n'arbitre pas pour plaire, sinon on n'arbitre pas très longtemps", souligne celui qui se voit "assez strict" sur le terrain.

"Cyril est un homme très ouvert", dit pourtant de lui Pierre Mignoni, l'entraîneur du LOU. "Il est très posé, a beaucoup d'expérience. Il maîtrise bien les deux équipes". "Il communique bien", ajoute le talonneur Jérémie Maurouard.

M. Lafon n'entend pas couper les ponts avec le rugby à l'issue de sa 10e saison en Top 14. Pour de l'arbitrage vidéo? Du coaching? Il faudra que cela "ne soit pas trop contraignant" au regard de sa vie familiale qu'il dit avoir beaucoup sacrifier.