Toujours un peu de sauce béarnaise pour agrémenter l'asado: si plus aucun de ses joueurs n'évolue en France, l'Argentine, adversaire des Bleus samedi, demeure imprégnée par le rugby français, principalement par ses entraîneurs, le sélectionneur Mario Ledesma en tête.

Il est loin le temps, douloureux pour le XV de France, où les Pumas lui avaient infligé un camouflet au Stade de France en ouverture de la Coupe du monde 2007 (17-12) avec neuf titulaires évoluant en Top 14, dont la charnière Pichot-Hernandez et l'ensemble de la première ligne formée de Rodrigo Roncero, Martin Scelzo et... Mario Ledesma.

Le championnat de France avait en quelque sorte enfanté un monstre, en permettant aux Argentins de s'aguerrir pour finalement damer le pion aux Bleus chez eux -- ils récidiveront lors du match pour la 3e place, au Parc des Princes.

"Le Top 14 a ouvert la porte à beaucoup d'Argentins et a permis d'améliorer notre rugby. Cela a permis notre développement professionnel" a convenu mardi le demi de mêlée Tomas Cubelli.

La porte s'est progressivement refermée à partir de 2012 lorsque les Pumas ont intégré le Rugby Championship, le championnat des nations de l'hémisphère sud. Et complètement après la Coupe du monde 2015 avec la création des "Jaguares", la franchise de Super Rugby (championnat des provinces du Sud).

Pour les rendre compétitif, rapatrier des talents ou surtout en éviter la fuite, la Fédération argentine (UAR) a alors imposé de jouer au pays pour pouvoir porter le maillot de la sélection.

Cette règle ne souffre que de quelques exceptions, ponctuelles: les piliers Ramiro Herrera (Stade Français), Gaston Cortes (Leicester) et Juan Figallo (Saracens) ont ainsi été appelés ces derniers mois pour faire face à la pénurie au poste.

En attendant, éventuellement, que l'UAR n'assouplisse encore sa position avant la Coupe du monde 2019, urgence oblige, pour ouvrir la voie à un retour des Juan Imhoff (Racing 92), Facundo Isa (Toulon), Santiago Cordero (Exeter) ou Nicolas Sanchez, qui rejoindra le Stade Français après cette tournée d'automne.

"Casse-couilles"

Le rugbyman argentin n'a donc plus un besoin vital de venir en France pour gagner sa croûte et jouer au plus haut niveau, mais "l'influence de la France dans l'équipe des Pumas demeure présente", selon Cubelli.

Moins dans le jeu, désormais davantage estampillé hémisphère sud, que dans ses hommes: le talonneur et ancien capitaine Agustin Creevy (Biarritz, Montpellier), le deuxième ligne Tomas Lavanini (Racing 92) et l'ouvreur Nicolas Sanchez ont joué en Top 14.

"On connaît très bien les joueurs de l'équipe de France. Je connais Camille (Lopez), Baptiste (Serin, avec qui il a joué à Bordeaux-Bègles, NDLR), +Basta+ (Mathieu Bastareaud), (Guilhem) Guirado (avec qui il a joué à Toulon)" souligne Sanchez.

Surtout, l'ensemble du staff est passé par l'Hexagone, comme joueur ou entraîneur: le sélectionneur Mario Ledesma (Narbonne, Castres, Clermont, Montpellier, Stade Français) et ses adjoints Martin Gaitan (Biarritz), Nicolas Fernandez Miranda (Bayonne) et Gonzalo Quesada.

Champion de France 2015 à la tête du Stade Français après avoir écumé les clubs de l'Hexagone, Quesada a même fait partie de l'encadrement du XV de France de 2008 à 2011, comme responsable du jeu au pied et des buteurs.

Les Français sont prévenus: le rendez-vous entre cousins latins dans un rugby essentiellement anglo-saxon est toujours spécial pour les Argentins qui, selon Maxime Médard, "ont réellement envie de gagner quand ils viennent jouer la France".

Comme en 2007. Et samedi, ils devraient, selon Lopez, se montrer "accrocheurs et entre guillemets casse-couilles" pour tenter de faire sortir les Bleus de leur match. Comme au bon vieux temps.