Médaillées d'argent olympique et championnes du monde, comme les garçons, les handballeuses françaises ont mis à profit une politique de parité, qui a placé le pays au sommet de son sport au moment d'accueillir l'Euro féminin à partir de jeudi dans cinq villes de l'Hexagone.

"La construction s'est faite par les hommes et pour les hommes. Puis à partir des années 2000, on a voulu sortir de ce truc où les filles étaient un petit produit. La condescendance a été vite effacée par leur capacité à répondre", explique à l'AFP le Directeur technique national, Philippe Bana.

Le système de formation, cette "immense structure pyramidale" qui part des 2400 clubs répartis sur tout le territoire et aboutit aux équipes de France en passant par les sports-études et centres de formation, a été "cloné" pour bénéficier également aux femmes, qui représente un gros tiers des quelques 600.000 licenciés français.

"Désormais les standards seraient absolument identiques à tous les niveaux de l'usine à champions", souligne Philippe Bana, qui raconte cette "success story" dans un livre, Le Roman du hand tricolore (éditions Marabout).

Les Bleues jouissent ainsi des mêmes conditions d'entraînement que les garçons, que ce soit à la toute nouvelle Maison du handball, le Clairefontaine de la discipline récemment inauguré à Créteil, ou en déplacement. Un entraîneur, un adjoint, trois kinés, deux vidéastes, un préparateur physique, un préparateur mental, un logisticien, un attaché de presse... En tout une dizaine de personnes s'occupent d'elles.

"La fédération a été exemplaire en mettant des moyens équivalents sur le fonctionnement des garçons et des filles ainsi que dans l'investissement initial. Les primes de résultat sont équivalentes aussi (soit 40.000 euros pour l'or, 25.000 pour l'argent et 20.000 pour le bronze, ndlr), ce qui n'est pas neutre. Cet accompagnement a participé à ce que les filles grandissent", confirme l'ancien mentor des "Experts", Claude Onesta.

Neuf médailles dont deux d'or 

"Franchement, on est bien dans le handball féminin", résume la demi-centre, Estelle Nzé-Minko.

Les résultats ont suivi avec moins d'une décennie de décalage: éclosion des hommes aux JO de 1992 (bronze), des femmes au Mondial-1999 (argent), premier titre mondial masculin en 1995, féminin en 2003, pour aboutir à l'hégémonie actuelle, du jamais vu depuis la domination soviétique au début des années 1980.

Au total, la récolte reste plus abondante chez les hommes - 18 médailles dont 11 d'or, contre 9 dont 2 d'or pour les dames - car pendant que les unes progressaient en montant sur le podium des trois dernières compétitions internationales (argent aux JO-2016, bronze à l'Euro-2017, or au Mondial-2018), les autres continuaient à gagner. Si les filles ont encore à être championnes d'Europe et médaillées d'or olympiques, elles sont déjà devenues, comme les garçons, des épouvantails au niveau mondial.

"Ca m'étonnerait que Trefilov soit content de commencer le tournoi contre la France", souligne le sélectionneur Olivier Krumbholz, personnage clef dans l'ascension du handball féminin, parlant de l'entraîneur de la Russie, premier adversaire des Bleues jeudi à Nancy.

Du hobby à la profession

Avec la création en 2008 de la Ligue féminine de handball, pendant féminin de la LNH masculine, de plus en plus de joueuses ont pu vivre de leur sport. "Il fallait que le handball féminin ne soit plus un hobby mais une profession, une carrière", explique Philippe Bana.

Dans leurs clubs, les Bleues touchent des salaires s'échelonnant entre 2000 et 10.000 euros, notamment pour celles qui sont allées monnayer leur talent à l'étranger. Mais au bas de l'échelle beaucoup de handballeuses anonymes sont au SMIC, dit le DTN.

Quelques figures de proue ont commencé à susciter l'intérêt des sponsors, séduits également par l'idée de parité, comme Allison Pineau, qui fait la promotion d'une marque de gaz domestique aux côtés de Nikola Karabatic.

"Il y a eu pas mal d'avancées avec nos derniers résultats. On parle beaucoup de sport féminin, c'est très tendance. Il y a eu beaucoup de sollicitations. Des gens me reconnaissent dans la rue. Ils m'interpellent pour me dire qu'ils sont heureux de ce que nous faisons", dit l'arrière, une des pièces-maîtresses de l'équipe.