Un Grand Chelem dans le Tournoi des six nations, une finale en Coupe du monde de rugby à VII et une victoire historique sur la Nouvelle-Zélande (30-27) samedi à Grenoble: les Françaises ont bouclé une année 2018 quasi-parfaite qui légitime leur ambition de titre mondial en 2021.

"Elles ont une fraîcheur incroyable, elles jouent bien au rugby, elles s'entraînent énormément, avec le sourire, elles sont à 06h00 du matin à Marcoussis quand d'autres traînent les pieds pour aller faire une activation." Le compliment, appuyé, est signé Jean-Baptiste Elissalde, l'entraîneur des arrières du XV de France, lui aussi vainqueur samedi face à l'Argentine (28-13).

Si l'appétit vient en mangeant, les "Affamées", leur surnom, ont fait un sacré festin en croquant à Grenoble, devant la 2e meilleure affluence de l'histoire du rugby féminin (17.000 spectateurs), les quintuples championnes du monde néo-zélandaises. Un succès inédit face à la nation reine.

"Une étape vers la suite"

Pour autant, Olivier Lièvremont, l'entraîneur des arrières françaises, n'aime pas le mot exploit. "C'est l'aboutissement d'un travail. Dans le match d'avant (perdu 14-0 à Toulon le 9 novembre, NDLR), il y avait le début de cette victoire-là. Sur le premier match, il y a vraiment la possibilité pour passer", estime le technicien, qui voit plutôt la victoire au stade des Alpes, où les Bleues avaient déjà battu l'Angleterre en mars (18-17), comme "une étape vers la suite".

Troisièmes de la Coupe du monde 2017, Championnes d'Europe en mars, les Bleues montent en puissance depuis l'arrivée d'Annick Hayraud à la tête de l'encadrement dans la foulée de l'élection de Bernard Laporte à la tête de la Fédération fin 2016.

S'il a évincé les précédents entraîneurs, Laporte a gardé le socle de son prédécesseur Pierre Camou pour développer le rugby féminin: les contrats fédéraux et le projet commun VII-XV, qui permettent à ces semi-professionnelles de vivre leur passion à fond et de passer indifféremment d'une discipline à l'autre. Elles en recueillent aujourd'hui les fruits avec également une finale lors de la Coupe du monde à VII en juillet à San Francisco.

"La plupart des nations ont bien du mal à s'entendre entre rugby à VII et rugby à XV. Nous, en France, on arrive à le faire", explique Lièvremont, citant l'exemple de Caroline Drouin, arrivée dans le groupe en 2017, pour expliquer les bienfaits du VII, très exigeant physiquement et mentalement, sur l'ouvreuse rennaise: "Ca l'a fait progresser. Chaque tournoi est une mini-Coupe du monde".

Un championnat agrandi

Là où la vingtaine de "septistes" sous contrat reste "en demeure" à Marcoussis et voyage beaucoup avec le circuit mondial - d'où un contrat de travail à 75% -, les 25 quinzistes sous contrat passent l'essentiel de l'année au sein de leurs clubs amateurs, dans un championnat agrandi à 16 équipes afin d'élargir le vivier.

Non rémunérées en club, les internationales françaises, salariées ou étudiantes, bénéficient d'un contrat fédéral à mi-temps qui leur permet "de pouvoir récupérer quand on rentre des compétitions, d'avoir un peu plus de facilités à construire leur carrière avec leur employeur et leurs études", détaille Lièvremont.

Et ces filles veulent être championnes olympiques à VII en 2020 et championnes du monde à XV en 2021! "Il faut garder cette même dynamique avec un autre Grand Chelem dans le Tournoi des six nations et une qualification pour les jeux Olympiques avec le rugby à 7", plaide Drouin.

"Si on veut être les meilleures, il faut se confronter aux meilleures", répète inlassablement Hayraud. Le Tournoi est un peu maigre excepté l'Angleterre? Les Affamées ambitionnent de retrouver la Nouvelle-Zélande lors de la Nations Cup, un tournoi de fin de saison dont les contours de l'édition 2019 sont en train d'être dessinés. "On veut les jouer plusieurs fois pour avoir moins d'émotions à chaque fois, mieux les connaître, relativiser ces événements-là; sur cette tournée, elles ont énormément appris", se réjouit Lièvremont. Les Black Ferns, elles, ont appris l'existence d'un ogre en devenir.